Nos partenaires syriens dénoncent l'ampleur des besoins humanitaires dans les zones assiégées en Syrie et les lenteurs admnistratives des bailleurs internationaux. Un témoignage d'Adnan Al Ahmad, membre de l’ONG syrienne Emissa for development soutenue par CARE.

Dans la région assiégée de Homs, les populations font face à une pénurie de produits de base

Dans de nombreuses parties du monde, la neige des mois d'hiver apporte joie et émerveillement, mais cette année, pour le peuple syrien, elle n'a apporté que des souffrances. Dans la campagne de Homs, dans l'est de la Syrie, plus de 200 000 personnes subissent les longs hivers, la pauvreté et le manque d'accès aux produits de base.

Au début du conflit en 2011, le gouvernement a suspendu les services publics privant les populations d’eau et d'électricité. De nombreux civils, qui travaillaient dans ces secteurs, se sont également retrouvés sans aucune source de revenus. 

Et la situation s’est encore dégradée à la fin de l’année 2015, lorsque de nombreuses routes ont été bloquées. Le transport de biens essentiels et de l’aide humanitaire est aujourd’hui fortement restreint. Les populations font face à une pénurie de produits de base et les prix ont considérablement augmenté : avant le soulèvement, un litre de fuel coûtait 7 livres syriennes. Aujourd'hui, il faut en dépenser 430. De même, le prix d’un kilogramme de bois a été multiplié par 10.

Les classes suspendues à cause du mauvais temps

En cette période hivernale, cette situation affecte la santé des populations et bien d'autres aspects de leur vie quotidienne. Par exemple, au collège de Zafaranah, il n’y a plus de vitres aux fenêtres et le système de chauffage ne fonctionne plus. Les enseignants ont été forcés de suspendre les cours en raison du mauvais temps. Des centaines d'étudiants, qui ont déjà le malheur de vivre dans une zone assiégée, sont maintenant privés d'éducation.


« Nous étions inquiets de ne pas avoir assez, et nous retrouvions sans rien pour aider ces familles. »

En tant qu'humanitaires, nous ne pouvons pas ignorer cette situation. Notre équipe essaie d'aider les communautés à surmonter l'hiver. Mais chaque jour, nous sommes confrontés à de multiples obstacles en raison de ressources limitées et du manque de financement. Tout ce que nous avons réussi à faire cette année est de distribuer des vêtements pour quelques enfants, ne couvrant que 10 % des besoins. 

Au début de l'hiver, nous prévoyions de fournir 200 litres de carburant à plus de 3 000 familles. Nous étions conscients que cette quantité était insuffisante, qu’elle ne représentait que le quart de ce qui est nécessaire pour chauffer une maison pendant quatre mois. Mais nous ne pouvions pas faire plus. Et, finalement, nous avons appris que le projet avait été refusé par le bailleur. Nous étions inquiets de ne pas avoir assez, et nous retrouvions sans rien pour aider ces familles.

Nombre de Syriens dépendent entièrement de la solidarité et de la générosité de leurs voisins. Il y a quelques mois, un groupe d’habitants a rassemblé du bois pour aider une jeune femme sur le point d'accoucher. Elle vit dans une ancienne ferme délabrée. C’est là qu’elle a donné naissance à un bébé en bonne santé. Notre équipe surnomme l’enfant Issa de Homs, parce qu’Issa signifie Jésus. Cette histoire s’est bien terminée mais elle souligne la précarité des habitants de cette région.

L'inconscience de la communauté internationale

D'ici, nous avons l’impression que la communauté internationale n’a pas conscience de l’importance d’une aide humanitaire rapide pour répondre au froid de l'hiver. Des règlements compliqués ralentissent l’approbation de chaque intervention d'urgence. Lorsqu’on travaille avec des organismes internationaux, il faut environ quatre mois pour mettre en œuvre les programmes nécessaires. 

Nous demandons aux bailleurs de prendre en compte l'impact de ces lenteurs administratives sur la vie de personnes innocentes. Nous leur demandons de revoir leurs procédures afin de travailler plus efficacement avec les associations syriennes. Nous avons besoin de financements et de politiques adéquates pour permettre aux populations de se préparer aux difficultés et de les anticiper, plutôt de répondre aux urgences, l’une après l’autre.

« Il faut éviter plus de douleurs, de désespoir et de nouvelles morts inutiles. »

Depuis quatre ans, la région de Homs est constamment bombardée. Il est urgent d’aider les familles dont les maisons ont été détruites: près de la moitié de la population est déplacée. La plupart vit dans des abris inappropriés, sous des tentes. 

Fournir une aide adaptée pour supporter les conditions hivernales est une priorité absolue afin d'éviter plus de douleurs, de désespoir et de nouvelles morts inutiles. En Syrie, le printemps n’arrivera jamais assez vite.

L'action de CARE

CARE et ses partenaires locaux ont fourni une aide humanitaire à plus de 2,5 millions de personnes en Syrie et dans les pays voisins.