Dans un rapport publié aujourd’hui, sept organisations humanitaires, dont CARE et Oxfam, alertent la communauté internationale sur la nécessité d’un plan d’appui aux réfugiés de Syrie véritablement ambitieux pour remédier à ce qui est la plus grave crise des réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale.

La fin du conflit en Syrie n’est toujours pas en vue et les réfugiés n’ont aucune perspective de retour dans des conditions garantissant leur sécurité. Ce « New Deal » devrait donc accroître les investissements dans les pays voisins de la Syrie, qui accueillent plus de 4 millions de réfugiés, et mettre fin aux restrictions empêchant les réfugiés d’y travailler ou, dans certains cas, d’y vivre dans la légalité. Le plan doit en même temps protéger et renforcer leur droit de demander asile.

« Au fil des mois, des années, les conditions de vie des réfugiés ne cessent de se dégrader. Poussés dans leurs derniers retranchements, de plus en plus de réfugiés décident de retourner dans la zone de guerre qu’ils ont fuie ou de risquer leur vie pour passer en Europe. Nous devons aider les pays d’accueil à offrir aux réfugiés la possibilité de vivre dans la dignité mais aussi d’apporter une contribution aux communautés qui les accueillent. Avant d’être des réfugiés, il s’agit de femmes et d’hommes dotés de savoirs et de compétences. Leur accorder l’autorisation de travailler en toute légalité est primordial », explique Fanny Petitbon, responsable plaidoyer de l’ONG CARE France.

Les organisations humanitaires estiment qu’une nouvelle approche créative, s’inscrivant dans le long terme, est nécessaire. Avec une aide appropriée des bailleurs internationaux, les pays voisins de la Syrie doivent pouvoir élaborer des politiques permettant aux réfugiés de mieux subvenir à leurs propres besoins financiers, sans risquer de se faire arrêter par les autorités. Cela permettrait également aux réfugiés de contribuer à l’économie des communautés qui les accueillent.

Dans l’impossibilité de payer un loyer ou de s’acheter de la nourriture, les réfugiés restent tributaires d’une aide qui se réduit. Ils se retrouvent dès lors enfermés dans un cercle vicieux de dénuement et d’endettement. Environ 70 % des réfugiés au Liban n’ont pas les documents nécessaires pour demeurer légalement dans le pays. En Jordanie, nombre des réfugiés qui vivent en dehors des camps ont beaucoup de mal à accéder aux services de santé et d’éducation, faute de disposer de documents à jour.

« Depuis maintenant plus de quatre ans, les réfugiés vivent au jour le jour, dépendant de l’aide humanitaire, ne sachant pas d’où viendra le prochain repas. Des menuisiers, des agriculteurs et des enseignants expérimentés peinent à réunir de quoi payer un loyer pour garder un toit au-dessus de leur tête. Leurs compétences devraient être mises à profit afin qu’ils subviennent aux besoins de leur famille tout en soutenant l’économie des pays qui les accueillent. De nouveaux emplois pourraient également être bénéfiques pour les millions de Jordaniens, Libanais, Turcs et Irakiens qui souffrent aussi de cette crise », rappelle Jean-Patrick Perrin, chargé de plaidoyer sur la crise syrienne d’Oxfam France.

« Les réfugiés sont souvent considérés – à tort – comme un poids. La communauté internationale doit prendre conscience que tout indique le contraire : les réfugiés légalement autorisés à travailler peuvent contribuer avantageusement aux pays d’accueil avec leurs diverses compétences et leur expérience », souligne Fanny Petitbon de CARE France.

Même avec des politiques et des investissements appropriés, l’ampleur de la crise signifie que les réfugiés les plus vulnérables auront besoin de trouver asile hors de la région. Les pays riches doivent offrir une solution de réinstallation à au moins 10 % des réfugiés qui en ont le plus besoin. Mais jusqu’à présent, ils se sont engagés à n’accueillir que moins de 3 % d’entre eux et les délais d’attente sont beaucoup trop longs.

« A l’occasion du sommet de La Valette, les 11 et 12 novembre prochains, les dirigeants européens doivent montrer leur volonté de mettre en place des solutions durables pour les réfugiés, qui respectent la dignité humaine et les besoins des plus vulnérables. La réinstallation en Europe est l’une de ces solutions », explique Jean-Patrick Perrin, d’Oxfam France.

Signataires :

  1. CARE International
  2. Danish Refugee Council
  3. International Rescue Committee
  4. Norwegian Refugee Council
  5. Oxfam
  6. Save the Children
  7. World Vision International

CONTACTS PRESSE :

Des porte-paroles francophones et anglophones sont disponibles, à Paris et dans la région syrienne, pour des interviews.

  • CARE : Laury-Anne Bellessa, chargée des relations medias, +33 (0)1 53 19 89 92 / 06 24 61 85 37, bellessa@carefrance.org
  • Oxfam : Cécile Génot, chargée de relations médias, +33 (0)1 85 34 17 66 / +33 (0)7 82 63 47 57, cgenot@oxfamfrance.org

Notes aux rédactions :

Lire le rapport en anglais « Right to a future ».

  • Au Liban, les réfugiés de Syrie représentent 30 % de la population : le pays en accueille plus d’un million, dont près de 500 000 enfants en âge d’aller à l’école. Depuis janvier 2015, le Liban a fermé ses frontières aux nouveaux réfugiés. Celles et ceux qui souhaitent obtenir un titre de séjour doivent s’engager par écrit à ne pas travailler ou doivent trouver un citoyen libanais qui se porte garant pour eux. Des centaines de milliers de réfugiés doivent choisir entre renoncer à la possibilité de travailler et vivre sans titre de séjour valable, avec les risques que cela comporte.
  • La Jordanie compte plus de 630 000 réfugiés syriens, dont plus de 83 % habitent dans des zones urbaines et non dans les camps. Environ 48 % des réfugiés syriens se trouvant dans les communautés hôtes ne sont pas passés par le mécanisme légal de sortie des camps et rencontrent des difficultés pour maintenir leur enregistrement, accéder aux services et à l’aide humanitaire et enregistrer les naissances, les décès et les mariages. 99 % des réfugiés qui parviennent à trouver un emploi travaillent dans le secteur informel, en général pour un salaire particulièrement bas.
  • En Turquie, qui accueille quelque deux millions de réfugiés syriens, des villes ont vu leur population doubler. Les réfugiés peuvent bénéficier de services publics là où ils arrivent mais environ 600 000 réfugiés syriens ne sont toujours pas enregistrés et ne peuvent pas officiellement avoir accès à la majeure partie des services publics. A moins de pouvoir invoquer le regroupement familial ou des raisons médicales, ils ne sont pas en mesure de s’installer dans les zones urbaines où les emplois se trouvent. La plupart des réfugiés ne peuvent pas travailler en toute légalité et finissent par rejoindre l’économie informelle, où ils se font souvent exploiter.
  • Dans le Kurdistan irakien, les réfugiés vivant dans les camps peuvent obtenir des titres de séjour leur permettant de travailler et d’accéder aux services publics. Ceux-ci sont en revanche difficiles d’accès pour les réfugiés vivant en dehors des camps. Dans le reste de l’Irak, les réfugiés ne peuvent pas travailler même s’ils résident dans un camp.
  • L’Égypte a enregistré près de 130 000 réfugiés syriens, mais l’État estime que le nombre réel atteint quasiment le double dans le pays. Face à la longueur et au coût de la procédure, mais aussi du fait des quotas limitant l’emploi des ressortissants non-égyptiens, seule une petite partie des réfugiés syriens a pu obtenir un permis de travail.