Les expertes de l’ONG CARE France commentent le début des négociations entre ministres. Au programme aujourd’hui : nuits blanches en perspective pour les ministres ? Les droits humains passés sous silence, la limitation du réchauffement climatique ne se fera pas par magie, les pertes et dommages : tout se joue dans l’ombre.

L'association CARE France est présente au Bourget pour la COP21
Les expertes climat de CARE ont participé à un side-event au Bourget sur les thèmes du genre et du climat © 2015/CARE

Nuits blanches en perspective pour les ministres ?

Par Louise Bonnet, chargée de mission COP21.

Les ministres n’ont plus que 48 h pour proposer une nouvelle version du texte qui soit juste et à la hauteur des enjeux. Ce soir, bon nombre d'entre eux ont déjà regretté le manque de transparence et de visibilité des discussions. Nous rappelons qu’il est essentiel que tous les Etats soient impliqués dans un processus collaboratif de négociations. Il faut limiter les discussions bilatérales au profit de réunions élargies. Ce processus inclusif permettra aux Etats de s'approprier l'accord pour lutter efficacement contre le changement climatique.
Il est aussi grand temps de passer à la vitesse supérieure pour éviter de créer un climat d'anxiété en fin de semaine. Il faut renoncer aux langues de bois et confronter les points de vue de manière constructive et ambitieuse.

Les droits humains passés sous silence.

Par Fanny Petitbon, responsable Plaidoyer.

Les débats sur la responsabilité commune mais différenciée ont éclipsé, aujourd’hui, la question des droits humains et de l’égalité de genre. Tout l’enjeu des deux prochains jours est de retirer les parenthèses autour de ces éléments fondamentaux dans l’article 2 définissant l’objectif de l’accord.

Un noyau dur mais encore trop limité d’Etats, tels que le Mexique, les Philippines, soutient aujourd’hui le maintien des droits humains dans le texte. Un nouvel élan est absolument nécessaire pour garantir que toute action climatique se fasse dans le respect des droits humains.

Rien ne peut justifier les réticences des Etats car il ne s’agit pas de créer de nouvelles obligations mais d’assurer une cohérence entre politiques de développement, de lutte contre le changement climatique et normes internationales relatives aux droits humains.

L’Union européenne, alliée de longue date sur ces enjeux, est restée extrêmement frileuse sur cette question depuis le début de la COP. Alors qu’il est prévu de finaliser le texte ce mercredi (la veille de l’anniversaire de la signature de la Déclaration des droits de l’Homme), la présidence française doit user de son poids politique afin de créer un espace de débat. Une discussion franche et constructive doit avoir lieu sur ce sujet.

Point presse

"Réaction de la société civile française et francophone sur la nécessité d’intégrer les droits humains dans l’accord de la COP21".

Le mardi 08/12 à 15h45 à la mezzanine du media center, par tous les acteurs de la société civile française et francophone : ONG, syndicats, représentants des peuples autochtones.

La limitation du réchauffement climatique ne se fera pas par magie.

Par Aurélie Ceinos, responsable Climat.

La liste des pays soutenant l'adoption d’un objectif de limitation du réchauffement climatique à 1,5°C ne fait que s’allonger : le Canada et l’Australie ont ainsi rejoint la centaine de pays (dont la plupart des pays en développement) qui plaide dans ce sens. Mais cela ne doit pas rester un vœu pieux !

L'inclusion d'une référence à 1,5°C ne suffira pas si aucun mécanisme ne donne les moyens de concrétiser cet objectif. Or, aujourd’hui le texte de l’accord ne prévoit aucune revue à la hausse des contributions nationales d'ici 2018. Aujourd’hui, seul un petit groupe de pays (dont Grenade, Kiribati et à moindre échelle l’Union européenne) soutient ce dispositif pourtant nécessaire. Faut-il rappeler à nos ministres que les contributions nationales actuellement sur la table nous placent sur une trajectoire alarmante d’un réchauffement de 3°C ?

De même, certains pays, tels que les Etats-Unis, Tuvalu ou les îles Marshall, ont défendu hier la décarbonisation de l'économie mais ces discours sont restés très imprécis sur un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Beaucoup attendent le dernier moment pour jouer leur va-tout. Or, nous n’avons plus le temps d’attendre. Les Etats doivent prendre conscience que la fenêtre d'action est courte !

Les pertes et dommages : tout se joue dans l’ombre.

Par Aurélie Ceinos, responsable Climat.

Déjà la semaine dernière, les ONG s'inquiétaient du manque d’ouverture des discussions liées aux pertes et dommages. Tout s’était déroulé lors de réunions bilatérales. Cette semaine ne s’engage pas sous de meilleurs auspices en termes de transparence. Hier, lors de l’annonce des groupes de travail par L.Fabius, la question des pertes et dommages ne se retrouvait nulle part. Il a fallu attendre ce soir pour avoir la confirmation que le sujet sera traité à partir de demain dans le même groupe informel que l’adaptation. Nous rappelons qu’il s’agit de deux sujets distincts et que la reconnaissance des pertes et dommages est un pilier indispensable d'un accord équitable pour les populations les plus vulnérables.

Nous nous réjouissons, la semaine dernière, de l’abandon de l’option « pas d’option » proposée notamment par les Etats-Unis qui aurait conduit à l’exclusion de toute référence aux pertes et dommages dans l’accord. Les lignes commencent à bouger et c’est nécessaire. Car il faut être réaliste sur les impacts déjà concrets des dérèglements climatiques. Il est urgent que les Etats reconnaissent qu’il est aujourd’hui impossible de s’adapter à tous les impacts climatiques. Parmi les plus extrêmes, on peut citer : la montée des eaux, la salinisation des terres ou une trop grande variabilité des pluies. L’adaptation a des limites face à l’emballement climatique.

Contact médias :

Nos équipes (francophones et anglophones venant notamment de France, d'Allemagne, des Etats-Unis, du Niger ou Vietnam), présentes au Bourget, sont disponibles pour toute demande d’interview. 

Contactez Laury-Anne Bellessa (également au Bourget), chargée des relations medias : 06 24 61 85 37, bellessa@carefrance.org

Pour suivre les réactions de nos experts :

A propos de CARE :

CARE est un réseau humanitaire international crée il y 70 ans. CARE s'attaque aux causes profondes de l'extrême pauvreté et aux conséquences du changement climatique, dans des situations d'urgence ou de développement à long terme. En 2014, CARE était présent dans 90 pays.

  • CARE soutient les populations affectées par des chocs climatiques ponctuels (tempêtes, inondations) ou de long terme (variabilité des saisons et des précipitations).
  • CARE met également en place des programmes d'adaptation : soutien agricole aux communautés péruviennes qui souffrent de la disparition des glaciers ; mise en place de réseaux d'accès à l'eau en Inde ; projets de plantation de mangroves et de restauration de systèmes de défense côtiers dans certaines régions d'Indonésie, de Thaïlande et du Vietnam.
  • CARE participe aux négociations internationales sur le climat.