Les 193 pays membres de l’ONU ont adopté hier un texte sur la crise migratoire. « Il ne s’agit que d’une simple déclaration politique sans engagement concret, ni objectif chiffré », déplore CARE. Voici l’analyse de Fanny Petitbon, responsable plaidoyer de CARE France, en cinq questions. 

Quel est le résultat de ce sommet ?

C’est la première fois que l’ONU consacre une journée aux migrants et aux réfugiés. C’est un signal fort : il faut réagir face au sort tragique des millions de personnes déracinées qui fuient la guerre, les persécutions ou l’extrême pauvreté. Leur fuite n’est pas un choix mais une question de survie.

Or, la réponse politique esquissée est loin d’être à la hauteur. Si les dirigeants mondiaux se déclarent prêts à aider ces populations, il n’y a eu aucun engagement concret. Le texte contient de nombreuses "considérations" qui seront appliquées selon le bon vouloir des pays. 

C’est un triste retour au statu quo. 

Quels sont les points de déception de ce texte ?

La déclaration de New York rappelle plusieurs éléments clés - tels que la protection des droits fondamentaux de tous les migrants ou le renforcement du soutien aux pays d’accueil débordés - mais de manière vague.

Comme nous le craignions, aucun objectif chiffré n’a été avancé. Les ONG et l’ONU avaient pourtant demandé que 10% des réfugiés soient accueillis par des pays riches et à revenus intermédiaires d’ici la fin 2016. Mais le partage de l’effort, en termes de nombre de personnes à accueillir par pays et de mécanisme à mettre en œuvre, n’a pas été tranché. 

CARE regrette également que la déclaration n’oblige pas les États à faire évoluer leurs pratiques d’accueil et de protection des réfugiés et des migrants. Nos équipes, présentes sur le terrain, ont déjà dénoncé le non-respect des standards humanitaires dans les camps en Grèce et craignent que la catastrophe humanitaire observée dans les Balkans l’hiver dernier ne se répète.

Quel est le sentiment des ONG ?

Cet évident manque de volonté politique, en particulier de la part de pays se targuant de promouvoir et de défendre les droits humains, est très choquant. 

Les ONG, regroupées en comité indépendant, ont été consultées par l’ONU et les États-membres au cours du processus d’élaboration de ce texte. Si nous avons été écoutés, nous n’avons clairement pas été entendus. 

Il est plus que temps d’agir. Les États développés, notamment européens, ne doivent pas se soustraire à leurs responsabilités. Protéger ces personnes dont la vie est menacée est non seulement un devoir moral mais également une obligation au regard des conventions internationales. 

Quelle est la position des pays européens ?

Pour les pays de l’Union européenne, aujourd’hui, tous les moyens sont bons pour refouler migrants et réfugiés à leurs frontières : ils instrumentalisent la politique d’aide au développement, durcissent les politiques de droit d’asile. 

Beaucoup de nos politiques se cachent derrière le fait que nous faisons face à une crise sans précédent. Mais comment peuvent-ils se dire dépassés alors que les pays de l'UE n'accueillent que 6 à 7 % des 21 millions de réfugiés dans le monde ? 

Aujourd’hui, des pays bien plus pauvres et vulnérables se montrent plus généreux : l’Europe, l’un des continent les plus riches, ne compte qu’un réfugié pour 1 000 habitants. Au Liban, pays dont les ressources sont limitées, le ratio est d’un sur quatre. 

Qu’attendez-vous de la journée d’aujourd’hui ?

Une nouvelle journée de discussion sur les réfugiés et les migrants s’engage aujourd’hui sur l’initiative du président américain. 

Nous le rappelons encore une fois. Il faut des décisions contraignantes afin de : 

  • mettre fin aux conflits en Syrie, en Irak et partout ailleurs par des efforts diplomatiques ;
  • garantir la protection de toutes les personnes qui fuient des conflits ou persécutions, mettre en place des routes migratoires sûres ;
  • respecter le droit d’asile et en faciliter les procédures, permettre la réinstallation des réfugiés et le regroupement familial ;
  • favoriser l’intégration des réfugiés et migrants, l’accès aux services de base (notamment en termes d’éducation) et à des travails décents ;
  • soutenir les personnes déplacées et les communautés hôtes dans les pays d’accueil, notamment via des financements humanitaires ;
  • lutter contre les mouvements xénophobes accablant les réfugiés et migrants de tous les maux.

Contact médias

Une équipe CARE participe au Sommet. Nos porte-paroles à New York et Paris sont disponibles pour tout commentaire. 

Contactez Laury-Anne Bellessa, chargée des relations médias chez CARE France, bellessa@carefrance.org, 07 86 00 42 75