Un témoignage du Dr Abdulsalam Daif, chirurgien en chef d’un service ORL à Alep. Avec le soutien de l’ONG CARE, il travaille sans relâche pour fournir une aide médicale aux populations syriennes. Quand il n’est pas en Syrie, le Dr Daif rejoint sa femme et ses trois enfants qui vivent désormais en Turquie. Il y représente l’association syrienne Syria Relief and Development.

Aujourd’hui, les hélicoptères ont bombardé des bâtiments à proximité d’un marché.

Je ne pouvais pas l’imaginer mais la situation en Syrie se détériore encore. Entre le bureau et l’hôpital, j’ai travaillé 20 heures aujourd’hui. La journée a été tellement longue que je suis trop fatigué pour dormir. Ce type de journée n’est malheureusement pas une exception. 

Aujourd’hui (dimanche 2 octobre), les hélicoptères ont bombardé des bâtiments à proximité d’un marché. Nous avons soigné de nombreuses victimes à l’hôpital. Un garçon de 17 ans est arrivé avec une blessure critique au cou. Son artère avait été touchée. L’opération a duré trois heures, mais je pense qu’il s’en sortira. 

Ensuite, un garçon âgé de seulement 5 ans nous a été amené avec une blessure neurologique majeure. En ce moment nous n’avons pas de neurologue à l’hôpital, ni même l’équipement nécessaire pour soigner ce type de blessure. Nous avons dû le transférer en Turquie. Je ne sais pas encore ce qu’il est devenu.

A cause des attaques aériennes, nous opérons dans les sous-sols

La plupart du temps, nous opérons dans les sous-sols afin d’être protégés des attaques aériennes. Mais, souvent, les explosions sont si importantes ou la situation devient tellement dangereuse, que nous devons changer de lieu.

Au cours des deux derniers mois, soigner les gens est devenu de plus en plus difficile à cause des blocus ou des attaques sur les routes empêchant l’accès des humanitaires. Normalement, mon nom est sur la liste des travailleurs médicaux autorisés à passer les barrages mais récemment ils m’ont dit que je n’avais pas la permission de passer. Alors maintenant, j’emprunte une autre route qui me fait perdre presque une journée entière.

Tant de groupes me menaçaient, m’accusaient d’être d’un côté ou d’un autre ou cherchaient à me recruter de force.

Au début de la guerre, j’avais peur que mon épouse et ma fille aînée, Lana, soient visées à cause de moi. Tant de groupes me menaçaient, m’accusaient d’être d’un côté ou d’un autre ou cherchaient à me recruter de force. Ma réponse a toujours été la même : « Je suis médecin, un vrai médecin, et j’aiderai quiconque aura besoin de mon aide. » 

Mes amis me disaient que le régime m’arrêterait parce que je travaillais dans une région contrôlée par l’opposition, alors nous avons déménagé pour vivre au sous-sol de l’hôpital. Je voulais protéger ma famille. 

Mais en octobre 2012, quand Aya était enceinte de notre second enfant, j’ai su qu’il était préférable pour eux de quitter la Syrie. Maintenant, ma famille est en sécurité en Turquie. Hamza est né le 24 décembre. La veille, j’étais retourné en Syrie. 

C’est difficile pour les gens de comprendre pourquoi. Mais tant de Syriens ont besoin de soins médicaux. Il n’y a plus de médecins en Syrie alors même que les besoins dépassent l’entendement.

J'ai de nouveau peur.

Pour être honnête, j’ai de nouveau peur. Tant d’activistes ont été assassinés au cours des deux derniers mois. Tout le monde sait qui je suis et je parle ouvertement de mon souhait que la Syrie vive en démocratie. Certaines personnes sont choquées par mes propos et veulent tuer quiconque est en désaccord avec leur façon de penser. La situation est si mauvaise que tout peut arriver n’importe quand.

C’est bizarre de penser que cette vie est devenue mon quotidien. Maintenant, il est devenu presque normal pour moi de travailler dans ces conditions, d’être menacé d’arrestation d’un côté, d’enlèvement de l’autre, d’avoir à opérer en sous-sol et de voir constamment les immeubles autour de nous détruits dans les bombardements.

Nous avons déjà soutenu 1,6 million de personnes en Syrie. Vous pouvez nous aider à poursuivre notre action.

CARE et ses partenaires, dont Syria Relief and Development, ont déjà fourni une aide humanitaire à plus d'1,5 million de personnes en Syrie : distribution de nourriture et de biens de première nécessité, accès aux soins médicaux, amélioration de l’accès à l’eau et à l’assainissement, soutien financier et psychosocial.