Duaa Al-Daraweesh, coordinatrice des réponses d’urgences pour l’ONG CARE, témoigne du courage des travailleuses humanitaires syriennes. Elle dénonce également les difficultés et les préjugés auxquels elles doivent faire face. 

« Les femmes comprennent mieux les besoins des autres femmes. »

Selon un adage arabe bien connu, les femmes sont les mieux placées pour comprendre les besoins des autres femmes. Je crois que c’est particulièrement vrai dans les situations d’urgence, notamment en Syrie où les femmes et les jeunes filles sont très vulnérables.

Ces dernières années, le secteur humanitaire a beaucoup progressé dans la prise en compte des besoins selon le sexe de nos bénéficiaires. Nous intégrons, par exemple, des serviettes hygiéniques dans les kits que nous distribuons aux femmes. De même, nous fournissons des manteaux et des couvertures pour aider les familles syriennes à survivre à l’hiver, mais certaines de nos bénéficiaires nous ont fait savoir qu’elles préféraient recevoir un jilbab, une longue robe assortie d’une capuche plus adaptée à leur culture. Nous avons pris en compte leur demande.

« Je salue les Syriennes qui s’engagent dans l’humanitaire.»

Mais cela ne suffit pas. Dans le sud de la Syrie, par exemple, il est totalement inapproprié pour un homme de se rendre dans un foyer dirigé par une femme. Le rôle des travailleuses humanitaires est donc crucial. Il faut saluer les Syriennes qui s’engagent dans l’humanitaire et mettent leur vie en danger afin d’apporter protection et aide à leurs concitoyen-ne-s. 

Si le conflit a des impacts dévastateurs, il a aussi entraîné un changement du rôle traditionnel des femmes. Elles peuvent désormais se déplacer plus librement et endosser des responsabilités auparavant réservées aux hommes, telles que le travail humanitaire. Les travailleuses humanitaires syriennes ont créé des lieux sûrs pour les femmes et ont permis aux filles de continuer leur scolarité. Mais les a priori restent forts et limitent ce type d’initiatives. Certains hommes réagissent mal au fait de se sentir dépossédés de leur rôle traditionnel, en particulier avec la pénurie d’emplois qui ravage le pays.

« Beaucoup d’hommes pensent qu’ils ne devraient pas être dirigés par une femme. »

Être une femme dans le secteur humanitaire n’est pas toujours facile. Chez CARE, quatre des douze coordinateurs terrain pour la crise syrienne sont des femmes. Nous avons dû faire face à de nombreux préjugés. Beaucoup d’hommes pensent qu’ils ne devraient pas être dirigés par une femme. Depuis Amman, je supervise des équipes en Jordanie et en Syrie. Il m’a fallu démontrer ce dont j’étais capable avant d’être respectée.

Je regrette le fait que les organisations de la société civile menées par des femmes aient encore du mal à trouver leur place en Syrie. CARE soutient ces associations, mais elles sont très peu nombreuses dans les régions conservatrices où je travaille. J’espère que cela va changer rapidement. Car, malgré la situation désastreuse en Syrie, les femmes et les jeunes filles syriennes font preuve d’un courage et d’une ténacité remarquables. 

L'action de CARE

CARE et ses partenaires locaux ont fourni une aide humanitaire à plus de 2,5 millions de personnes en Syrie et dans les pays voisins.