Khawla vit dans la région d’Alep. Elle est sage-femme dans l’un des centres de santé soutenus par CARE. Khawla nous raconte son quotidien et dénonce les difficultés d’accès aux soins auxquelles les populations syriennes sont confrontées.

L'association CARE aide les populations en Syrie
Khawla est sage-femme dans le nord de la Syrie, dans un centre de santé soutenu par CARE. © 2017 / CARE

6h30 du matin


Je m’appelle Khawla. J’ai 40 ans. J’habite dans un village dans la région d’Alep. Le matin, je me lève tôt, vers 6h30. Après m’être habillée, je prépare le petit-déjeuner pour mon mari et nos enfants qui vont à l’école. Quand nous avons de l’électricité, je peux m’occuper des tâches ménagères avant de partir travailler : je fais la lessive et je nettoie la maison.

Vers 7h30, je quitte la maison. Je mets 15 minutes pour me rendre au centre de santé, dans un village voisin.

8h

Ma journée de travail débute à 8h. Je suis sage-femme depuis 20 ans et je travaille dans un petit centre de santé. Notre équipe se compose d'un médecin généraliste, d'un pédiatre, d’une sage-femme et d’une infirmière. Nous devons faire beaucoup avec peu.

Aujourd'hui, j’ai examiné une femme dans un état grave. Elle souffrait d’importants saignements suite à des complications chirurgicales. J’ai dû vider le sang qui se trouvait dans son utérus. Je lui ai donné un traitement et je la rappellerai dans quelques jours pour m’assurer que tout va bien. 

Normalement, nous référons les cas les plus compliqués à un hôpital, à 15 kilomètres du centre, mais certaines personnes ont peur de s’y rendre. Beaucoup de structures de santé ont été lourdement bombardées. A tel point que certaines femmes préfèrent accoucher chez elles, que de risquer de mourir dans une attaque contre un hôpital.

11h

A cette heure-ci, le centre est bondé. Nous recevons des femmes de la région mais aussi beaucoup de femmes déplacées. Plus de la moitié des Syriens ont été déplacés par les combats au cours de ces six dernières années. Beaucoup ont perdu leur maison et tous leurs biens.

Quand une patiente arrive, je prends le temps de parler avec elle et de comprendre comment je peux l’aider. Ce matin, j’ai vu plusieurs patientes qui souhaitent des moyens de contraceptions. Je distribue des pilules contraceptives ou je pose des dispositifs intra-utérins. Ce sont mes interventions les plus courantes.

Nous suivons aussi des femmes enceintes. Beaucoup sont stressées par la guerre. Parfois, elles n’ont pas accès aux produits d’hygiène de base ou n’ont pas une alimentation suffisante. La précarité de leur quotidien multiplie les risques de complications. Ce ne sont pas de bonnes conditions pour mettre un enfant au monde. 

13h

Le nombre de patients diminue à partir de 13h car le centre de santé ferme normalement en début d’après-midi. Mais parfois, nous restons beaucoup plus tard afin de pouvoir traiter tous les patients qui attendent.

Je vois en moyenne 20 femmes par jour. Comme les autres centres de santé et hôpitaux en Syrie, nous avons appris à travailler avec peu de matériels et des coupures de courant régulières. Seule la moitié des structures de santé existant avant le début de la guerre sont totalement opérationnelles.

On manque aussi de personnel. Trop de médecins et infirmiers syriens ont été tués au cours de ces dernières années. Et la moitié du personnel de santé, soit plus de 15 000 personnes, ont fui le pays. Dans la partie orientale d'Alep, par exemple, il ne reste plus qu’un médecin pour 7 000 habitants. En 2010, il y en avait un pour 800 personnes. A cause de cela, de moins en moins de Syriens ont accès à des soins de santé spécialisés. 

16h

Dans l’après-midi, mes enfants m’aident à m’occuper de la maison et je prépare le repas du soir. Aujourd’hui, nous avons une salade épicée aux aubergines. Il y a souvent des coupures électriques. Nous partageons un générateur avec nos voisins, mais cela ne nous fournit de l'électricité que six à sept heures par jour. Nous ne pouvons rien conserver dans le réfrigérateur, c’est la raison pour laquelle je ne peux pas préparer plusieurs repas à l’avance. Nous vivons au jour le jour.

18h

Je vérifie aussi les devoirs des enfants. C’est important qu’ils aient une bonne éducation.

D’ailleurs, moi aussi je suis en train de suivre une nouvelle formation afin de pouvoir assurer un soutien psychologique à nos patientes. Quand la connexion internet que nous partageons avec nos voisins est assez bonne, je peux échanger avec mon formateur sur Whatsapp. 

Je suis contente d’acquérir de nouvelles compétences et de pouvoir aider mes patientes autrement. C’est important qu’elles aient quelqu’un à qui se confier, surtout après six ans de guerre. Les civils restent les premières victimes du conflit. Ces dernières années ont été marquées par la grande souffrance de la population syrienne. Beaucoup de nos blessures sont émotionnelles : anxiété, troubles dépressifs, syndrome de stress post-traumatique.

20h

Quand j’ai un peu de temps libre en fin de journée, je rends visite à notre famille ou je prends le thé avec mes voisins. 

Mais parfois, je reçois un appel d'urgence pour une consultation ou un accouchement. Cela me fait toujours peur car je suis obligée de sortir le soir et de prendre beaucoup de risques à cause des violences.

22h


Je me couche tôt pour bien débuter la journée du lendemain. Mais souvent, nous avons du mal à dormir… 

L'action de CARE

CARE et ses partenaires locaux ont fourni une aide humanitaire à plus de 2,5 millions de personnes en Syrie et dans les pays voisins.