Alors que certains gouvernements jugent urgent le retour des réfugiés syriens dans leur pays, les violences en Syrie, l’incertitude politique et le manque cruel de protection et d’accès aux services de base sont tels que cela reste inenvisageable à l’heure actuelle. Pour Erin Weir, responsable plaidoyer de notre bureau de réponse à la crise syrienne, il est primordial que les pays occidentaux se mobilisent plus largement pour leur venir en aide.

L'association CARE aide les Syriens, victimes de la guerre
CARE

Après plusieurs années d’exil, les réfugiés syriens se retrouvent face à un dilemme.

Au cours des derniers mois, deux vagues de retour « volontaires » de réfugiés syriens ont été organisées depuis le Liban. On pourrait penser que c’est un signal positif mais il n’en est rien. Des débats autour de la sécurité et du manque de moyens pour aider et intégrer les réfugiés sur le long terme poussent certains gouvernements à inciter les Syriens, voire à les forcer, à repartir dans leur pays. 

Selon les témoignages recueillis par Human Rights Watch, certains réfugiés ont également le sentiment de ne pas avoir d’autre choix que de retourner en Syrie. Au Liban, les réfugiés ne reçoivent pas suffisamment d’aide pour vivre dignement. Ils n’ont pas non plus le droit de travailler légalement dans la plupart des secteurs économiques ou de circuler librement. 

Après plusieurs années d’exil, les réfugiés syriens se retrouvent face à un dilemme : choisir entre l’insécurité en Syrie et un quotidien précaire au Liban. Face à tant de difficultés et d’incertitude, comment construire un futur pour leur famille ?

Ils ne sont pas considérés comme réfugiés.

En six ans et demi, le conflit syrien a poussé plus de 5,1 millions de personnes à fuir leur pays, dont la très grande majorité se sont réfugiées dans les pays voisins où la question de leur statut reste délicate. Le Liban et la Jordanie ne sont pas signataires de la Convention de Genève. Au regard de leurs législations, les Syriens ne sont pas considérés comme des « réfugiés ». La Turquie n’est signataire que de la convention originale dédiée aux seuls réfugiés européens. Le pays n’a jamais ratifié l’amendement qui s’applique à tous les demandeurs d’asile, quel que soit leur pays d’origine. 

Ces arbitrages domestiques sont contraires au droit international relatif au devoir d’accueil et de protection des demandeurs d’asile. Les règles internationales mentionnent notamment l’interdiction d’expulser des réfugiés vers un pays dans lequel leur sécurité ne serait pas assurée. 

« Bien sûr que nous aimerions rentrer un jour. Mais que va-t-on trouver en Syrie ? »

La mise en place de zones dites de « désescalade » en Syrie peut donner l’impression que le conflit touche à sa fin, mais la réalité sur le terrain est bien différente. Si les gouvernements étrangers commencent à parler de la reconstruction du pays et d’une future stabilisation politique, les affrontements persistent. Les Syriens évoquent également les sièges qui perdurent et les enrôlements forcés par les groupes armés. La liberté de circulation est limitée par les affrontements, la peur d’être arrêté ou emprisonné, la présence de mines ou d’obus. La résolution du conflit syrien semble encore loin.

Et le retour à une vie normale va prendre encore plus du temps : l’économie syrienne est très affaiblie dans certaines régions, et s’est complètement effondrée dans d’autres. Beaucoup de maisons et d’infrastructures ont été détruites ou sont occupées. « Bien sûr que nous aimerions rentrer un jour. Mais que va-t-on trouver en Syrie ? », déclare l’une de mes collègues réfugiées syriennes qui a choisi de rester anonyme afin de protéger ses proches restés en Syrie. « Où les retournés syriens vont-ils s’installer ? Et dans quelles conditions ? Il faut aborder ces questions », poursuit-elle.

Une implication plus grande de l'Europe

Les pays limitrophes de la Syrie se doivent de continuer à protéger les réfugiés jusqu’à ce qu’ils puissent retourner dans leur pays dignement et en toute sécurité. Ces gouvernements doivent recevoir une aide, notamment financière, de la part du reste du monde. Car depuis six ans, ils accomplissent un travail incroyable en aidant la grande majorité des réfugiés syriens. Mais cet afflux a créé une forte pression sur des services déjà fragiles, tels que l’éducation ou la santé. L’acceptation des réfugiés s’est sérieusement dégradée au sein des communautés locales et beaucoup de familles syriennes en pâtissent.

Il est primordial que les pays occidentaux assument leurs responsabilités éthiques et légales. Les pays européens, par exemple, doivent s’impliquer davantage et accueillir une part équitable de réfugiés syriens. Pour cela, il faut les autoriser à circuler librement sur le territoire européen et faciliter leur réinstallation en Europe. Si le Liban peut accueillir un nombre de réfugiés équivalant à un quart de sa population, alors il ne fait aucun doute que des pays bien plus grands et plus prospères ont les moyens de se mobiliser pour aider les innocentes victimes d’une guerre aussi atroce.

CARE et ses partenaires ont fourni une aide humanitaire à plus de 2,5 millions de personnes en Syrie et dans les pays voisins accueillant des réfugiés syriens.