Awa est agente de terrain pour CARE. Elle nous raconte comme elle soutient l’autonomisation économique des femmes en Côte d’Ivoire, et partage avec nous sa détermination.

L'association CARE aide les femmes en Cote d'Ivoire
Awa, à l’extrémité gauche, accompagne les femmes, membres des AVEC créées par CARE en Côte d'Ivoire. © 2017 / CARE

5h30 : J’ai pour habitude de me réveiller assez tôt quand je pars sur le terrain. Avant de me préparer, je m’occupe de ma fille. On se fait des câlins et je l’aide à être prête pour partir à l’école. Ensuite, je m’habille très simplement et je rejoins nos partenaires locaux pour nous rendre dans les villes et villages que nous soutenons.

9h30 : A notre arrivée, nous saluons d’abord le chef du village et les leaders communautaires puis nous rencontrons les femmes et les quelques hommes qui participent aux associations d’épargne et de crédit (AVEC) créées et soutenues par CARE.

La crise socio politique que connait la Côte d’Ivoire depuis 2002 a fortement perturbé l’économie et a entrainé une forte paupérisation de la population ivoirienne. Les femmes et les filles en sont les premières victimes. Peu ont un travail et elles n’ont souvent pas la possibilité de posséder des comptes bancaires. Pour lutter contre ces inégalités, CARE encourage des groupes de femmes à épargner des petites sommes qu’elles mettent en commun pour se faire de petits prêts. Elles peuvent alors lancer des petites activités économiques et convertir leurs talents en entreprises, au même titre que les hommes.

Je me souviens d’une femme, membre d’une AVEC, qui m’a dit lors d’une réunion : « Je sais maintenant qu’il n’y a aucune différence entre l’homme et la femme. Quand il lance la machette dans les champs pour préparer les cultures, elle la lance aussi. Quand il grimpe sur le palmier pour couper la graine, elle aussi. Quand il tape les briques pour construire, elle aussi. Quand il a des champs de cacao, elle aussi. »

Des membres d’une AVEC ont osé dire "non" à l’excision. Comme beaucoup de femmes de mon pays, j’ai subi cette mutilation. J'avais honte. Mais je me suis dit que si elles avaient réussi à surmonter ça, alors moi aussi, je pouvais le faire !

10h : Après les mots de bienvenus et les salutations, nous passons à l’ordre du jour. Chaque visite a un objectif bien précis. Nous aidons les groupes dans leur fonctionnement et à améliorer leurs pratiques et à vaincre les difficultés qui se présentent. Parfois, nous visitons l’une des activités lancées par une femme : petit commerce, restaurant…

On aide aussi les femmes à faire valoir leurs droits. À cause des coutumes patriarcales, la plupart des femmes ne peuvent pas posséder de biens ou en hériter. Je me rappelle de cette dame dont l’héritage avait été confisqué par ses frères. Grâce aux conseils de son groupe, elle a touché ce qui lui revenait. Aujourd’hui, elle dit à toutes les autres femmes que c’est possible.

11h30 : Nous essayons d’apporter des réponses aux questions des membres du groupe. Nous donnons beaucoup d’exemples de bonnes pratiques mises en place dans d’autres régions ou dans d’autres pays où CARE est présent. Cela galvanise les membres à développer de nouvelles activités économiques mais aussi à s’affirmer au sein de leur communauté.

Je me rappelle des membres d’une AVEC d’un quartier populaire d’Abidjan qui se sont rendus à la mairie pour réclamer un accès à l’eau potable et ont obtenu gain de cause.

L'association CARE soutient le développement économique des femmes
Les membres des AVEC mettent en commun leurs épargnes et se font des prêts. Ils investissent cet argent pour créer ou développer des activités génératrices de revenus, telles que la vente de produits alimentaires sur les marchés. © 2017 / CARE

14h : Nous organisons aussi des formations pour les responsables du groupe et tous les membres qui le veulent. Bien sûr, l’objectif premier est l’autonomisation et l’inclusion financière des femmes mais nous organisons aussi des sensibilisations sur d’autres sujets, notamment sur la santé : information sur le planning familial, sur l’importance des consultations prénatales, le dépistage du cancer du col de l’utérus, sur la prévention du VIH SIDA…

Suite à ces sensibilisations, les membres d’une AVEC ont osé dire "non" à l’excision. Comme beaucoup de femmes de mon pays, j’ai subi cette mutilation mais la détermination de ces femmes m’a redonné confiance. J’ai compris que je pouvais avoir une vie de couple épanouie malgré cette partie de moi perdue à jamais. Avant, je n’avais pas l’impression d’être une vraie femme. J’avais honte. Mais je me suis dit que si elles avaient réussi à surmonter ça, alors moi aussi, je pouvais le faire !

16h : Nous rendons visite à certains membres des AVEC pour mieux connaitre les communautés avec lesquelles nous travaillons. Nous rencontrons aussi d’autres villageois pour les inviter à intégrer nos projets.

Je me rappelle d’Hortense, cette jeune mère qui avait tout perdu suite au décès de son mari. Dépouillée par sa belle-famille, elle s’était réfugiée dans sa famille mais avait perdu le respect de ses frères et sœurs et de toute la communauté. Notre projet était une lueur d’espoir. Aujourd’hui, Hortense est présidente de son groupe. Elle est aussi promotrice de groupe, c’est-à-dire qu’elle aide d’autres associations à se créer. Elle est propriétaire d’un moulin, d’un champ de cacao et a construit sa propre maison. Elle est épanouie et a regagné le respect de sa famille. Elle est devenue un exemple pour sa communauté. Récemment, elle m’a dit : « Je vais très bien car désormais je prends mon destin en main. »

J’ai tant de choses à raconter… les AVEC, c’est toute une histoire. Je repense aux visages tristes, désorientés que je voyais au début du projet. Aujourd’hui, ces femmes sont joyeuses et tellement belles. C’est extraordinaire !

17h : Quand je rentre à la maison, ma fille est déjà là. Nous nous nous racontons notre journée. Pendant qu’elle prend son bain, je réchauffe le repas préparé pendant le week-end. Nous mangeons ensemble.

Parfois, je dors dans les villages que nous visitons. J’aime alors discuter avec la famille qui me reçoit. J’apprends énormément de ces personnes merveilleuses. Et mieux nous connaitre est important pour tisser une relation de confiance.

21h : Après avoir aidé ma fille à faire ses devoirs, il est l’heure pour elle d’aller se coucher. Comme tous les enfants du monde, elle essaie parfois de négocier pour aller au lit un peu plus tard. Mais à 21h30, elle m’embrasse très fort, reçois ma bénédiction et va au lit.

Je prends alors le temps de faire mon rapport sur ma journée. Je lis aussi les mails reçus lorsque j’étais sur le terrain. Mes journées sont longues mais je suis contente car j’ai toujours rêvé de travailler dans l’humanitaire. J’ai l’opportunité de contribuer à l’autonomisation d’autres femmes, de me rendre utile et de faire changer les choses pour ma génération.

J’ai tant de choses à raconter… les AVEC, c’est toute une histoire. Je repense à ces visages tristes, désorientés que je voyais au début du projet. La plupart des femmes que je rencontrais n’avaient pas confiance en elles et n’osaient pas prendre la parole en public. Beaucoup élevaient leurs enfants seules et sans source de revenus. Aujourd’hui, les membres des AVEC donnent des conseils aux autres femmes, et même aux hommes. Elles ont appris à lire et à écrire. Elles ont leurs propres activités, contrôlent leurs revenus et participent aux prises de décisions au sein de leur famille et de leur communauté. Je vois aujourd’hui ces mêmes visages joyeux, beaux. C’est extraordinaire ! 

Les AVEC, outils d’autonomisation financière.

L’épargne est un outil efficace dans la lutte contre la pauvreté, trop souvent ignoré au profit du crédit. La constitution de leurs propres actifs est cependant essentielle pour les populations les plus pauvres. C'est pourquoi, CARE a développé une approche alternative à la microfinance, fortement décentralisée, basée sur l’épargne non-institutionnalisée.

Plus de 142 330 personnes sont membres d’AVEC créées par CARE en Côte d’Ivoire, dont 81% de femmes.