À l’occasion du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, CARE et trois organisations humanitaires appellent les gouvernements à tenir la promesse faite à l’humanité en s’engageant concrètement pour le climat.

« Plus jamais ça ! »

Il y a 70 ans, le monde émergeait de l’une de ses époques les plus sombres, et la communauté internationale envoyait ce message aux générations futures : « Plus jamais ça ! » À travers l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, les États ont consacré des droits fondamentaux pour la dignité et l’intégrité de toute personne, afin que plus jamais l’humanité ne souffre de telles atrocités.

70 ans plus tard, l’humanité fait face à l’un des plus importants défis et injustices de tous les temps : le changement climatique. Pour beaucoup, c’est déjà une réalité et cela va, de manière croissante, provoquer des crises humanitaires, ainsi que le déplacement de millions de personnes. Le changement climatique, en plus d’accentuer les discriminations et les inégalités femmes-hommes, menace un large nombre de droits, dont les droits à l’eau, l’alimentation, la santé, la culture, le développement, un environnement sain et même le droit à la vie lui-même.

L’inaction est un signe de dédain envers l’humanité et une violation des droits humains.

Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié en octobre dernier, nous avertit que si nous échouons à passer à la vitesse supérieure en matière de lutte contre le changement climatique, le seuil de 1,5 °C sera atteint entre 2030 et 2050, et aura des conséquences dévastatrices et irréversibles partout sur la planète. Des centaines de millions de personnes supplémentaires pourraient basculer dans la pauvreté.

La communauté scientifique amplifie dès lors une revendication de longue date portée haut et fort par la société civile : les Etats ne peuvent pas faire l’autruche face au changement climatique. L’inaction est un signe de dédain envers l’humanité et une violation des droits humains.

Il ne peut pas y avoir de compromis entre l’action climatique et le respect des droits humains.

La bonne nouvelle, c’est qu’il est encore possible d’éviter une crise humanitaire de l’ampleur de celle que le monde a connu il y a 70 ans. Il nous revient d’inverser la tendance et de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. Dans le cadre de l’accord de Paris, les États se sont déjà engagés à poursuivre leurs efforts pour contenir le réchauffement climatique à + 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, et à mettre en œuvre des mesures de lutte contre le changement climatique qui respectent les droits humains. 

A la 24e Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP 24), les gouvernements doivent mener à bien une tâche essentielle : finaliser le manuel d’application de l’accord de Paris pour que ses promesses soient traduites en actes concrets. Ce 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’Homme est un rappel salutaire : il ne peut pas y avoir de compromis entre l’action climatique et le respect des droits humains.

Il faut éviter les fausses solutions.

Nous craignons qu’au lieu d’agir pour réduire massivement leurs émissions de gaz à effet de serre, certains gouvernements jettent leur dévolu sur des « fausses solutions » dangereuses et inefficaces, telles que le stockage massif de carbone dans les sols. 

Recourir à de telles méthodes empêcherait les petits producteurs de cultiver leur terre, nuirait à leur capacité à produire de la nourriture, menacerait leur accès à une eau de qualité et anéantirait leurs moyens de subsistance. Il est inacceptable que les États entretiennent un cercle vicieux de la pauvreté, simplement par manque de courage politique pour prendre des mesures ambitieuses et nécessaires.

Nous ne devrions pas avoir à choisir entre lutte contre le changement climatique et lutte contre la pauvreté.

Les générations futures méritent mieux. Les mesures climatiques doivent inclure des solutions qui intègrent pleinement les droits humains, notamment en garantissant une participation effective des populations depuis la conception à l’évaluation des politiques climatiques, en passant par leur mise en œuvre. Nous ne devrions pas avoir à choisir entre lutte contre le changement climatique et lutte contre la pauvreté. 

L’Agenda 2030 pour le développement durable le démontre clairement, ces deux combats représentent deux faces d’une même pièce et doivent être combattus de concert. À titre d’exemple, l’expérience montre que les communautés autochtones dont les droits sur leurs terres ancestrales sont reconnus par les autorités publiques sont en mesure de protéger les forêts et le carbone qui y est stocké de façon plus efficace. Cela génère aussi des co-bénéfices pour les communautés elles-mêmes, en plus de l’amélioration de la biodiversité et de la résilience.

Ce 70e anniversaire représente plus qu’un chiffre, et plus qu’une commémoration. C’est un appel urgent à penser les droits humains à la lumière du changement climatique qui nous touche déjà. En prenant cet engagement le 10 décembre 1948, les États ont fait une promesse à l’humanité. Il est temps aujourd’hui de lui donner un sens nouveau.

Les ONG signataires

  • CARE, Amnesty International, Secours Catholique membre du réseau Caritas Internationalis, CIEL association.
  • Cette tribune a été publiée dans le journal Libération, le 10 décembre 2018.