Reshma est directrice de programmes CARE au Kenya. Elle a souvent été confrontée au tabou qui entoure les règles et nous livre avec sincérité sa propre expérience en tant que travailleuse humanitaire. 

Reshma a parfois été confrontée au tabou des règles dans le cadre de son travail.
© CARE

Ce jour où j'ai eu mes premières règles

Avoir ses règles. Je me souviens n'avoir aucune idée de ce que cela voulait dire étant jeune. J’ai grandi à Naïrobi au Kenya et ce n’était pas au programme des écoles primaires !

Lorsque je les ai eues pour la première fois, j'avais 12 ans et j’étais à l’école. Ma mère est venue et j'ai été autorisée à rentrer chez moi, sans comprendre ce qui m’arrivait. Une fois à la maison, elle m'a expliqué que j’étais désormais une femme. Puis, elle m’a montré comment utiliser des protections.

Ma mère était fière ! Ce week-end-là, nous étions à un mariage et elle murmurait à mes tantes : « Ça y’est, elle a ses règles ». On me regardait, me souriait, mais nous n'avons jamais parlé de ce que cela signifiait. Lorsque mon père est décédé, ma mère a dû subvenir au besoin de la famille. J'ai une sœur et les serviettes périodiques représentaient un coût, mais ma mère s’est toujours assurée que nous en ayons. Toutes mes amies n’avaient pas cette chance !

Quand j'avais 16 ans, elle m’a acheté des tampons. C’était contre notre culture car selon certaines croyances, cela ferait perdre la virginité. Mais ma mère ne croyait pas à tout ça. 

Avoir ses règles en tant qu’humanitaire

Des années plus tard, lorsque j’ai commencé à travailler pour CARE j’ai été confrontée à des situations embarrassantes, avec mes collègues hommes, tant le tabou persiste encore ! Il m’est arrivé de devoir expliquer que j'avais besoin en urgence d'une salle de bain (pour changer mes protections) et de les garder dans mon sac pour les jeter à mon hôtel. Mais nous devons changer les perceptions.

La solidarité entre femmes m’a toujours beaucoup touchée. Un jour alors que j’étais en mission au Malawi pour CARE dans un village, une femme m’a demandé de l’accompagner dans sa hutte. J’avais une tâche de sang sur mon pantalon, mais je ne m’en étais pas rendue compte. Elle m'a donné un sarong pour me couvrir. Elle a dit à mes collègues qu'elle voulait me voir en privé pour me faire un cadeau. Ils n’ont jamais su la vérité.

Mon engagement pour briser le tabou des règles sur le terrain

Beaucoup de filles ne vont plus à l’école lorsqu’elles ont leurs règles car elles ont honte et n’ont pas de quoi protéger leurs vêtements. C’est pourquoi, sur le terrain, CARE agit pour permettre à toutes d’avoir accès à des protections périodiques. En Ouganda, nous distribuons aux femmes et aux filles des cups menstruelles et les résultats sont incroyables ! Elles ont plus confiance en elles et se sentent en sécurité. Elles ne sont pas obligées de se rendre seules la nuit dans les toilettes communes pour changer de protection. Les filles continuent d’aller à l’école et d’apprendre.

Je suis fière de contribuer à changer les choses et j’espère qu’un jour, aucune femme n’aura honte de parler librement de ses menstruations !