Des millions de civils sont affectés par la guerre au Yémen depuis quatre ans. La France vend des armes aux pays impliqués dans ce conflit, malgré le risque extrêmement élevé qu’elles soient utilisées contre des civils. Fanny Petitbon, responsable plaidoyer de CARE France, dénonce la responsabilité du gouvernement français et vous propose de vous mobiliser avec nous pour dire STOP !  

La France vend des armes aux pays impliqués, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, malgré le risque extrêmement élevé qu’elles soient utilisées contre des civils.
© Holly Frew/CARE

Quels sont les attaques et soupçons de crimes de guerres commis contre les civils au Yémen ?

Les civils sont les premières victimes du conflit au Yémen. De graves violations du droit international affectant directement les civils ont été commises par l’ensemble des parties : attaques indiscriminées ; frappes aériennes répétées contre des hôpitaux, des écoles, des marchés ; utilisation de mines anti-personnel et d’autres armes explosives en zones peuplées ; entraves à l’aide humanitaire… Tous ces faits ont été documentés par les Nations unies et les ONG sur place. 

Selon l’ONU, le blocus maritime, mis en place par les parties au conflit, pourrait également constituer un crime de guerre, en étant qualifié de punition collective qui utilise la faim comme arme de guerre. Cet embargo a en effet exacerbé une crise humanitaire aux conséquences dramatiques sur la population yéménite. Aujourd'hui, 80% des Yéménites, soit 24 millions de personnes, ont besoin d’aide humanitaire de toute urgence. Le quotidien des Yéménites est devenu un enfer. 

Quelle est la responsabilité des pays occidentaux dans la guerre au Yémen ?

La guerre au Yémen est alimentée par plusieurs pays occidentaux. Cela ne fait aucun doute. En septembre dernier, l’ONU a pointé directement la responsabilité de la France, du Royaume-Uni et des États-Unis. Selon les experts de l’ONU, ces pays prennent le risque de se rendre complices de crimes de guerre, en fournissant du renseignement, un soutien logistique ou des armes aux parties au conflit.  

Que sait-on de l’implication de la France ?

Deux des pays qui sont parties au conflit se sont hissés au 1er et 3ème rang des clients d’armes françaises, au cours des dix dernières années. 

Ces pays ont en effet acheté plus de 10,3 milliards d'euros de matériels de guerre. Et la liste est longue : artillerie et munitions de mortier de 120 mm, canon de 105 mm et canon Caesar de 155 mm, système de désignation laser équipant les avions de combat saoudiens et émiratis, navires de guerre participant au blocus maritime imposée au Yémen, chars Leclerc, avions ravitailleurs de type MRTT, véhicules blindés de combat, missiles ou encore des armes de petit calibre telles que des fusils de précision…. 

Le gouvernement français refuse-t-il de reconnaitre sa responsabilité ?

Malgré le flou maintenu par le gouvernement français, voire le déni, la France est parfaitement informée du risque élevé d’utilisation du matériel militaire français contre des civils yéménites. Cela a été dévoilé par une note confidentielle de la Direction du renseignement militaire français, publiée le 15 avril par Disclose. Les médias français ont également apporté la preuve visuelle de l’utilisation de navires de fabrication françaises et toujours entretenus par la France dans le cadre du blocus maritime. 

Les ONG se mobilisent depuis des mois pour dénoncer les ventes d’armes françaises aux pays impliqués dans la guerre au Yémen. Début octobre, le président de l’association Action Sécurité Ethique Républicaines (ASER), a été convoqué par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) pour avoir utilisé des informations publiées par les médias français et internationaux afin d’entamer une action juridique contre le gouvernement français. L’intimidation de représentants de la société civile est une atteinte grave à notre démocratie. 

Que doit faire la France ?

Depuis 2016, 12 pays européens, dont l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et le Royaume Uni, ont annoncé des mesures pour suspendre ou limiter leurs exportations d’armement en raison du conflit au Yémen. Pourquoi la France ne suit-elle pas cet exemple ? 

La France doit impérativement lever tout soupçon de complicité de crimes de guerre et cesser ses ventes d’armes aux pays impliqués dans le conflit au Yémen. Aujourd’hui, le gouvernement français n’assume pas ses engagements moraux et légaux internationaux. Le Traité sur le commerce des armes interdit tout transfert d’armes à des pays susceptibles de les utiliser contre des populations civiles. 

La France ne doit pas faire passer ses intérêts commerciaux au détriment de la vie des Yéménites ! 

Il faut cesser de se féliciter de l’augmentation des ventes à des pays impliqués dans le conflit au Yémen, comme l’a fait le ministère des armées en juin dernier. Notre gouvernement ne peut pas d’un côté vouloir alléger les souffrances des civils et de l’autre, continuer à vendre des armes à des pays qui bombardent les populations. 

Stopper les ventes d’armes : est-ce vraiment possible ?

Oui, il y a des précédents. La France a décidé le 12 octobre de suspendre ses exportations vers la Turquie de « matériels de guerre susceptibles d’être employés » en Syrie. Cette décision prise par les ministères français des armées et des affaires étrangères, en seulement quelques heures était pour effet immédiat. 

Le gouvernement français doit en faire de même pour les pays impliqués au Yémen. 

Comment garantir le contrôle des ventes d’armes françaises ?

Il faut absolument améliorer la transparence des ventes d'armes françaises en mettant en place un contrôle parlementaire. Les parlementaires ont un rôle à jouer en rappelant les engagements internationaux de la France. 

La France est le troisième exportateur d’armes au monde, juste derrière les États-Unis et la Russie. Il faut mettre fin au système actuel où le gouvernement français est juge et partie : il est à la fois en charge de la promotion des armes françaises, de leur vente et de leur contrôle. 

Comment se mobiliser pour mettre fin aux ventes d’armes françaises qui pourraient être utilisées contre des civils au Yémen ?

Nous avons besoin d’une pression publique des Français et Françaises pour faire bouger le gouvernement. Vous pouvez rejoindre ce combat et refuser d’être complices de la souffrance de millions de Yéménites : signez notre appel #PasEnMonNom et demandez à votre député d’agir !

La France doit reconnaître ses responsabilités et ne plus nier les risques d’utilisation d’armes françaises contre des civils au Yémen.  

L’action de CARE au Yémen

CARE fait partie des rares ONG internationales toujours présentes au Yémen. Les combats, les embargos, les obstacles administratifs et le manque de financements internationaux entravent l’action des ONG. Dans des conditions extrêmement difficiles, CARE apporte une aide à 1,5 million de personnes chaque mois. 

  • Sécurité alimentaire : distribution de nourriture et assistance financière, soutien à l’agriculture, distribution de semences et petits ruminants.
  • Eau et assainissement : réhabilitation des sources d’eau, construction de toilettes, distribution de kits d'hygiène, sensibilisation à l'hygiène pour prévenir la propagation de maladies d'origine hydrique comme le choléra.
  • Santé maternelle et reproductive : soutien de maternités et centres de santé, formation de personnel de santé et sages-femmes.
  • Soutien à l’autonomisation économique des jeunes : formations professionnelles, accompagnement technique et distribution de prêts pour les femmes qui veulent développer des petites entreprises.