22 ONG alertent sur une forte augmentation des besoins humanitaires dans tout le Nord de la Syrie alors que le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé de limiter les points d’entrée de l'aide humanitaire dans le pays il y a 6 mois.

© CARE / Shafak

Des femmes, des hommes et des enfants souffrent du manque d'accès à l'aide humanitaire

Des températures inférieures à zéro, des inondations et la flambée des prix des denrées alimentaires - combinées à l'augmentation des cas de COVID-19 et aux pénuries de l'aide – sont à l’origine d’une forte augmentation des besoins humanitaires dans tout le Nord de la Syrie. 

Des femmes, des hommes et des enfants souffrent du manque d'accès à l'aide humanitaire, notamment du manque d’accès à la nourriture, à l'eau et aux équipements médicaux, y compris de l'oxygène. Autre facteur aggravant : le financement de l’aide humanitaire insuffisant pour répondre aux besoins fondamentaux de millions de Syriens dans le pays.

Seulement 9 hôpitaux sont opérationnels face à la COVID-19, soit 212 lits de soins intensifs et 162 ventilateurs dans le Nord-Ouest de la Syrie pour une population de 4 millions d'habitants. Le système de santé est incapable de répondre à l'augmentation du nombre de cas, conduisant les familles à recourir à des solutions désespérées pour survivre.

Mahmoud, âgé de 48 ans, père de deux enfants, a lui-même acheté son ventilateur. Il est mort ce mois-ci dans le couloir d'un hôpital à Idlib en attendant de l'oxygène. Avec un taux alarmant de 28% de personnes testées positives à la COVID-19 dans les camps de déplacés du Nord-Ouest de la Syrie, le sort de Mahmoud illustre une réalité dévastatrice vécues par des milliers de personnes.

La pandémie menace de transformer la situation humanitaire  en catastrophe

Il y a six mois, le premier cas de COVID était confirmé dans le Nord-Ouest de la Syrie. A cette période, malgré les avertissements concernant la persistance de besoins humanitaires élevés, le Conseil de sécurité des Nations unies avait voté la fermeture d'un point de passage essentiel entre la Turquie et la Syrie de l’aide humanitaire : Bab al-Salam.

Ce point de passage, maintenant fermé, avait permis aux Nations unies d'apporter une aide vitale – de la nourriture, des abris et des produits médicaux, y compris des vaccins et des masques de protection – à des centaines de milliers de personnes dans le Nord-Ouest de la Syrie, en majorité des femmes et des enfants.

Le nombre de personnes infectées dans le Nord-Ouest a quadruplé entre novembre et décembre et s'élève aujourd’hui à 20 717 ;dans le Nord-Est, le nombre de cas augmente également considérablement (8 227 au 12 janvier). Ce bilan est certainement sous-estimé en raison de la capacité extrêmement limitée de test et de recensement des cas dans le pays, en particulier dans le Nord-Est.

Avec un système sanitaire décimé par dix ans de conflit, la pandémie menace de transformer une situation humanitaire déjà désastreuse en catastrophe, alors que les familles du Nord de la Syrie doivent faire des choix difficiles pour survivre. Beaucoup n'ont pas les moyens de nourrir leur famille, et encore moins d'acheter un masque pour se protéger et protéger les autres. Manque d'oxygène, accès insuffisant à l'eau et à l'assainissement, etc., les équipes de santé travaillent dans des conditions désespérées pour tenter de sauver la vie des personnes souffrant de COVID-19 ces derniers mois.

Il ne reste qu'un seul point de passage pour délivrer de l'aide

Il ne reste plus qu'un seul point de passage par lequel les Nations unies peuvent livrer une aide vitale y compris les produits essentiels pour faire face à la COVID-19 et à l'hiver qui mettent en danger la vie des personnes dans le Nord-Ouest. De plus en plus de familles sont contraintes de faire des choix inacceptables pour survivre.

L'aide passant par le dernier point de passage dont dispose encore l'ONU, Bab al-Hawa, n'a jamais été aussi importante, alors que l’existence même de ce canal est compromise. Mais la pression immense : La violence et l'insécurité ont dans le passé forcé sa fermeture, et les combats en cours risquent de retarder l'acheminement de l'aide aux populations vulnérables. Nous craignons également que les mauvaises conditions météorologiques ou l'insécurité ne coupent à tout moment la seule route restante pour atteindre les centaines de milliers de personnes déplacées qui bénéficiaient auparavant de l'aide fournie par le point de passage de Bab-al-salam, maintenant fermé.

Au cours de la semaine dernière, des températures inférieures à zéro, de fortes pluies et des vents violents ont forcé plus de 20 000 personnes déplacées à abandonner leurs maisons et leurs abris après de fortes inondations et ont entraîné la mort d'au moins un enfant. Pour des milliers de familles, il faudra beaucoup de temps pour se remettre de cette tempête.

Dans six mois, le Conseil de sécurité votera à nouveau pour décider si l'aide fournie par l'ONU peut continuer à être acheminée aux millions de Syriens vivant dans le Nord-Ouest du pays. Toute mesure visant à restreindre davantage ce point d’accès aura des conséquences désastreuses pour les millions de personnes dont la vie en dépend.

Les États doivent tirer les leçons de la décision prise par le Conseil de sécurité il y a 12 mois de supprimer le seul point de passage de l'ONU vers le Nord-Est, où se trouve le camp très peuplé d'Al Hol. Cette décision a contribué à des insuffisances concernant la distribution de l'aide, son financement et l'accès à des produits essentiels, comme les médicaments de base et les équipements nécessaires pour lutter contre la COVID-19 tels que les kits de dépistage. La situation ne peut que s'aggraver : les dernières projections montrent qu'entre 40 et 50 % de la population du Nord-Est de la Syrie sera probablement infectée par la COVID-19 d'ici la fin mai 2021.

L'accès humanitaire transfrontalier de l'ONU au Nord-Ouest de la Syrie doit être assuré maintenant et à l'avenir ; le Conseil de sécurité doit résoudre d'urgence les problèmes d'accès qui se posent actuellement dans tout le pays. Il est essentiel de continuer à fournir une aide vitale à ceux qui en ont le plus besoin. La perte de cet accès contribuerait à une augmentation rapide de la faim, à une crise de la COVID-19 hors de contrôle, et à des souffrances et des morts inutiles. Dix ans après le début du conflit, nous ne pouvons pas tourner le dos au peuple syrien et risquer la vie de millions de personnes.

Signataires

Save the Children; International Rescue Committee; CARE; Norwegian Refugee Council; World Vision; Oxfam; Humanity & Inclusion; Islamic Relief USA; Mercy Corps; Christian Aid; Hand in Hand for Aid and Development (HIHFAD); MedGlobal; Syrian American Medical Society; Syria Relief & Development (SRD); Social Development International (SDI).; Syrian Expatriate Medical Association (SEMA); GOAL USA Fund; Life for Relief and Development; Embrace Relief Foundation; Mercy-USA for Aid and Development; NuDay; Global Communities and PCI