L’équivalent de 26 heures de dépenses militaires à l’échelle mondiale suffirait à financer les 5,5 milliards de dollars nécessaires pour aider les personnes les plus vulnérables de la planète, indique un ensemble d’organisations humanitaires.

34 millions de personnes risquent la famine

Plus de 250 organisations non gouvernementales (ONG) publient aujourd’hui une lettre ouverte appelant tous les États à accroître de toute urgence l’aide humanitaire pour éviter que plus de 34 millions de personnes ne courent le risque d’être poussées au bord de la famine d’ici à la fin de cette année.

« Qu’il s’agisse du Yémen, de la Syrie ou de la RDC, les fonds destinés à répondre à la crise alimentaire ne se matérialisent pas. Pourtant, dans le même temps, les aides consacrées aux grandes entreprises à travers des plans de sauvetage se comptent par milliers de milliards de dollars dans le monde entier. Les bailleurs doivent intensifier leurs efforts. Ce n’est pas une question de capacité financière, mais bien de volonté politique. D’après les données dont nous disposons chez CARE, pour chaque dollar gagné par les femmes, 80 cents reviennent à la famille, contre 30 cents pour chaque dollar gagné par les hommes. Les inégalités entre les femmes et les hommes sont un facteur prédictif clé de l’apparition et de la récurrence des conflits armés. Si nous ne parvenons pas à comprendre ce simple constat, nous ne parviendrons pas à prévenir ni à combattre efficacement la famine », alerte Sofía Sprechmann Sineiro, secrétaire générale de CARE.

L'ONU avait alerté sur des "famines aux proportions bibliques"

En effet, un an après la mise en garde des Nations Unies contre des « famines aux proportions bibliques », les fonds fournis en réponse par les pays riches ne totalisent que 5 % de l’appel lancé par l’ONU pour 2021, soit 415 millions de dollars sur les 7,8 milliards réclamés pour lutter contre la faim dans le monde.

Les 5,5 milliards de dollars supplémentaires récemment réclamés par le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (ONUAA) équivalent aux dépenses militaires que l’ensemble des pays du monde effectuent en 26 heures. Par ailleurs, ce sont en tout quelque 1900 milliards de dollars qui sont consacrés chaque année à ces dépenses. Résultat, alors que de plus en plus de personnes sont contraintes de se coucher le ventre vide chaque soir, les conflits s’intensifient.

À la fin de l’année 2020, les Nations Unies ont estimé que 270 millions de personnes étaient confrontées à un risque très élevé de souffrir de faim aiguë ou en souffraient déjà. En effet, 174 millions de personnes, réparties dans 58 pays, se trouvent déjà dans cette situation et risquent de mourir de malnutrition ou de manque de nourriture. En l’absence d’une réaction immédiate, ce chiffre ne peut qu’augmenter dans les mois à venir.

Au niveau mondial, les prix moyens des denrées alimentaires sont au plus haut depuis sept ans.

Les conflits sont le principal facteur de faim dans le monde

Les conflits sont le principal facteur de faim dans le monde, suivis par les changements climatiques et la pandémie de coronavirus. Du Yémen à l’Afghanistan, en passant par le Soudan du Sud et le Nord du Nigeria, les conflits et la violence poussent des millions de personnes au bord de la famine.

Dans les zones de conflit, les habitants sont témoins de scènes dantesques liées à la famine. Dans le gouvernorat de Lahj, au Yémen, Fayda raconte : « Lorsque les travailleurs humanitaires sont arrivés chez moi, ils ont pensé que j’avais de quoi manger parce qu’ils ont vu de la fumée sortir de ma cuisine. Et pourtant, je n’étais pas en train de préparer un repas pour mes enfants. Je n’avais que de l’eau chaude et des plantes à leur donner, après quoi ils sont allés au lit affamés. J’ai déjà pensé à plusieurs reprises à me suicider, mais je tiens le coup pour mes enfants. »

Au début de la pandémie de COVID-19, le secrétaire général des Nations Unies a appelé à un cessez-le-feu mondial pour concentrer tous les efforts sur la lutte contre le coronavirus, mais la plupart des dirigeant-e-s ont fait la sourde oreille. Les dirigeants de ce monde doivent trouver des solutions durables aux conflits, tout en permettant aux humanitaires d’accéder aux zones où sévissent ces conflits pour pouvoir sauver des vies.

D’après Ahmed Shehu, coordinateur régional du Réseau de la société civile du bassin du lac Tchad : « La situation ici est vraiment désespérée. 70% des habitantes et habitants se consacrent à l’agriculture, mais ces personnes ne peuvent actuellement pas accéder à leurs terres à cause de la violence généralisée. Il ne leur est donc pas possible de produire des aliments. Cela fait des milliers d’années que les agriculteurs et agricultrices fournissent de la nourriture à la population. Maintenant, ces personnes en sont réduites à mendier. La perte de production alimentaire entraîne la perte d’emplois et de revenus, et les gens ne peuvent plus se procurer de la nourriture. Et nous, en tant qu’humanitaires, nous ne pouvons même pas nous rendre en sécurité auprès de ces gens pour les aider. Certaines et certains d’entre nous se sont risqués à se déplacer pour atteindre des communautés dans le besoin et ont été enlevés. Nous ignorons où ils se trouvent. C’est un dur contre-coup pour celles et ceux d’entre nous qui veulent désespérément aider. »

Notes aux rédactions :