Le Conseil de sécurité des Nations unies a jusqu'au 10 juillet pour renouveler la résolution autorisant l’acheminement de l’aide humanitaire transfrontalière vers la Syrie. C'est un enjeu vital pour des millions de Syriens dans le besoin. A travers cette lettre ouverte, les leaders de près de 30 ONG demandent aux membres du Conseil de sécurité de renouveler la résolution pour une période de 12 mois et de garantir à l’ONU de pouvoir accéder au nord-ouest et au nord-est de la Syrie depuis les pays voisins. 

Lettre ouverte aux ambassadeurs et ambassadrices du Conseil de sécurité des Nations Unies

Excellences,

Le Conseil de sécurité des Nations Unies sera bientôt confronté à un choix critique : laisser les souffrances et les pertes humaines évitables se poursuivre sous son contrôle ou prendre des mesures décisives pour soutenir la population syrienne dans le besoin, où qu'elle se trouve.

En tant que membres du Conseil, vous avez la responsabilité de respecter vos engagements pour la protection des civils touchés par le conflit et pour veiller à ce que des millions de familles syriennes luttant pour leur survie ne se voient pas refuser l'accès à une aide humanitaire vitale. Les réalités humanitaires du terrain doivent guider l'action du Conseil de sécurité sur la réponse transfrontalière de l'ONU en Syrie. L’ampleur de la crise exige la réautorisation de l'assistance transfrontalière au nord-ouest de la Syrie via Bab al Hawa et le rétablissement du passage de Bab al Salam, pour un minimum de 12 mois. Il faut également rétablir le passage d'Al Yarubiyah dans le Nord-Est, où les besoins ont augmenté de 38% depuis la fermeture du passage en janvier 2020. 

Le Conseil de sécurité s'est réuni en 2014 pour autoriser l'accès transfrontalier, l'un de ses rares moments d'unité à l’égard de ce conflit. L'impératif à l'époque, comme aujourd'hui, était de faire en sorte que l'aide fondée sur les principes parvienne aux Syriens, où qu'ils se trouvent, sur la seule base des besoins. Aujourd'hui, les besoins et les défis auxquels la population syrienne est confrontée sont plus importants que jamais, le nombre de personnes ayant besoin d'aide ayant augmenté de 20 % au cours de la dernière année seulement. Une décennie de conflit a engendré l'une des pires crises de protection au monde, laissant des millions de personnes en situation d'insécurité alimentaire et dépendantes de l'aide, et a déplacé de force des populations syriennes qui continuent de vivre dans des conditions désastreuses. 

81% des personnes dans le Nord-Ouest et 69% dans le Nord-Est ont besoin d'aide, environ la moitié d’entre elles sont des enfants. Pour des millions de Syriens qui vivent dans ces régions, le mécanisme transfrontalier a été une bouée de sauvetage essentielle fournissant de la nourriture, des abris, une protection, des services médicaux et d'autres services vitaux. 

Sans une résolution qui sécurise l'accès transfrontalier pour 12 mois, les acteurs humanitaires ne seront pas en mesure de répondre de manière adéquate aux besoins croissants et à la propagation de la COVID-19 dans le nord-ouest et le nord-est de la Syrie. Sans résolution, la toute récente campagne de vaccination contre la COVID-19 sera stoppée net pour des millions de personnes, sapant ainsi les efforts pour mettre fin à la pandémie dans la région et dans le monde. Sans accès transfrontalier, nous prévoyons qu'un million de personnes dépendant des paniers alimentaires livrés par le Programme Alimentaire Mondial se retrouveront sans aide alimentaire d'ici septembre 2021.

La réduction de l'aide porte préjudice aux Syriens les plus vulnérables, notamment les populations déplacées, les femmes, les enfants et les personnes handicapées. Sans une réponse transfrontalière à grande échelle, des vies seront perdues.  

Dans le Nord-Ouest, la décision du Conseil de ne pas réautoriser le passage de Bab al Salam en juillet 2020 a laissé la réponse humanitaire dépendante d'un seul point de passage. Cette réduction de l'accès a inutilement mis en danger l'accès des populations à l'aide et, actuellement, aux vaccins contre la COVID-19. Il y a à peine trois mois, les environs du seul point de passage restant, Bab al Hawa, ont été attaqués, endommageant les entrepôts des ONG et les fournitures humanitaires. Les violences en cours risquent de couper le seul accès restant à la nourriture, aux vaccins et à d'autres fournitures essentielles pour les populations du nord-ouest de la Syrie. Bab al Hawa et Bab al Salam doivent être ouverts pour assurer un approvisionnement régulier et fiable de l'aide dans une région de la Syrie où les besoins sont les plus importants et abritant le plus de populations déplacées.

La décision du Conseil de janvier 2020 de restreindre l'accès de l'ONU en supprimant le point de passage d'Al Yarubiyah a eu des conséquences désastreuses dans le nord-est de la Syrie. Au moment même où les premiers cas de COVID-19 commençaient à apparaître dans le monde, la décision du Conseil a porté un coup terrible à un secteur de la santé déjà extrêmement affaibli dans le Nord-Est. Aujourd'hui, alors que les cas de COVID-19 continuent d'augmenter et de se propager dans les camps de déplacés densément peuplés comme celui d'Al Hol, les ONG ne sont pas en mesure de combler tous les manques à cause d'une pénuries d'équipements de protection individuelles, de médicaments essentiels, de kits de dépistage de la COVID-19 et de fournitures médicales.

Une action humanitaire fondée sur des principes, selon des modalités à la fois transversales et transfrontalières dans le nord-ouest et le nord-est de la Syrie, reste le seul moyen de soutenir des millions de Syriens ayant besoin d'une aide humanitaire. Il n'y a pas d'alternative.

Nous comptons sur vous, membres du Conseil de sécurité, pour veiller à ce que cette bouée de sauvetage soit prolongée et étendue, afin que les enfants syriens ne soient pas obligés de sauter un autre repas et que les femmes enceintes ne soient pas privées de soins maternels, que les familles n'aient pas recours à des mécanismes de survie négatifs, et que les travailleurs humanitaires et personnels de santé soient en mesure de mener une lutte efficace contre la COVID-19. La capacité de nos organisations à maintenir, et a fortiori à développer, notre aide et nos services vitaux est en jeu. 

Ce n'est pas le moment de réduire l'accès humanitaire.

Je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes sentiments distingués.

Signataires

David Miliband

Président et directeur général, International Rescue Committee

Inger Ashing

Directrice générale, Save the Children 

Sofia Sprechmann Sineiro

Secrétaire générale, CARE International 

Gabriela Bucher

Directrice générale, Oxfam International

Jan Egeland

Directeurgénéral, Norwegian Refugee Council

Andrew J. Morley

Président et directeur général, World Vision International

Samuel A. Worthington

Directeur général, InterAction

Dominic MacSorley

Directeur général, Concern Worldwide

Tjada D'Oyen McKenna

Directeur général, Mercy Corps

Eric Schwartz

Président, Refugees International  

Manuel Patrouillard

Directeur général, Humanité & Inclusion

Amanda Khozi Mukwashi

Directeur général, Christian Aid

Dr. Jihad Qaddour

Président, Syria Relief & Development (SRD)

Othman Moqbel

Directeur exécutif, Syria Relief

Caoimhe de Barra

Directeur général, Trocaire

Ramin Shahzamani

Directeur général, War Child Holland

Dr. Mufadddal Hamadeh

Président, Syrian American Medical Society

Dr. Zaher Sahloul

Président, MedGlobal

Ann Koontz

Directrice générale, Relief International 

Dr. Jennifer Coolidge

Présidente, Big Heart Foundation

Šimon Pánek

Directeur exécutif, People in Need

Faddy Sahloul

Directeur général, Hand in Hand for Aid and Development (HIHFAD)

Baraa Alsmoudi

Directeur exécutif, Ihsan Relief and Development 

Osman Dulgeroglu

Directeur général, Embrace Relief FoundationInc

Umar al-Qadi

Président et directeur général, Mercy-USA for Aid and Development

Hisham Dirani

Directeur général, VIOLET for Relief and Development

Mme Nadia Alawa

Directrice générale, NuDay

Mahmoud Al Shehadi

Directeur général, Orange Organization