Le 17 décembre, la France organise la 5ème Conférence Nationale Humanitaire, l’occasion de faire un point à mi-parcours sur la mise en œuvre par le gouvernement de sa stratégie humanitaire. ONG, agences onusiennes et bailleurs de fonds auront des échanges approfondis sur plusieurs tendances et phénomènes ayant un impact sur l’action humanitaire. CARE a piloté la préparation de la table ronde dédiée aux enjeux de changement climatique et humanitaire. Pourquoi et comment le secteur humanitaire doit prendre en compte les enjeux climatiques et environnementaux ? Qu’attendent les ONG humanitaires de la France sur ce sujet ? Voici notre analyse
L’urgence climatique est bel et bien là
2020 fait partie des 3 années les plus chaudes jamais enregistrées. La planète se rapproche dangereusement de la limite de 1,5°C de réchauffement climatique fixée par les leaders du monde entier il y a 5 ans à Paris. Selon les Nations unies, le nombre de phénomènes climatiques extrêmes (typhons, sécheresses, inondations) a quasiment doublé au cours des 20 dernières années par rapport à la période 1980-2000, touchant plus de 4 milliards de personnes et entraînant des pertes économiques à hauteur de 2,97 trillions de dollars US.
Ce sont les pays et populations pourtant les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre qui paient le prix fort. A titre d’exemple, l'Asie du Sud-Est a été touchée par 8 typhons entre octobre et décembre. Les besoins humanitaires qui en découlent sont énormes et les populations les plus vulnérables ont de moins en moins les capacités de rebondir entre les chocs climatiques, ce qui est d’autant plus vrai en cette période de pandémie.
La crise climatique exige une évolution du secteur humanitaire
Tout d’abord, les ONG doivent plus systématiquement intégrer des actions d’alerte et de réponse précoces dans les projets humanitaires pour réduire les coûts humains et économiques des catastrophes. Concrètement, il s’agit d’identifier avec les populations locales, et en particulier les plus vulnérables, les signaux d’alerte et les bonnes pratiques à adopter en cas de risque imminent : où aller en cas d'évacuation, mettre des sacs sur les toits en cas d'ouragan, construire des abris capables de résister aux tremblements de terre ou cyclones, faire des stocks de nourriture dans des greniers en prévision de fortes sécheresses ou inondations.
Ensuite, les pratiques du secteur humanitaire doivent évoluer pour être plus respectueuses de l’environnement. Il est en effet nécessaire de limiter les émissions de gaz à effet de serre des opérateurs humanitairesprovenant principalement de l’usage destransports aérien et routier, des achats et de l’approvisionnement et de la consommation d’énergie. CARE France met en place depuis plusieurs années des actions pour réduire son empreinte carbone : bilan et suivi de ses émissions, mise en place d’objectifs de réduction, définition d’une politique environnementale, révision de sa politique d’achat, sensibilisation des équipes. Et CARE n’est pas la seule à se mobiliser. 10 ONG françaises (ACF, ACTED, ALIMA, CARE France, Électriciens Sans Frontières, Groupe URD, Médecins du Monde, Première Urgence Internationale, Secours Islamique France, Solidarités International) viennent de s’engager collectivement3àmesurer les impacts environnementaux et carbone de leurs actions, à diviser par deux leurs émissions d'ici 2030 et à intégrer davantage d’actions de prévention et d’adaptation dans leurs projetsterrain.
Qu’attendent les ONG de la France ?
Les engagements de la Stratégie humanitaire de la République française 2018-2022 font totalement l’impasse sur les enjeux de climat et d’environnement. Pourtant, la France, gardienne de l’Accord de Paris, doit être exemplaire et accompagner l’ensemble des acteurs, y compris humanitaires, dans cette transition écologique plus que nécessaire.
La France doit rendre ses financements humanitaires plus flexibles et ambitieux pour soutenir les actions de réduction des risques de catastrophes. Comme ce type de projets s’inscrit dans la durée- ce qui n’est pas le cas des réponses habituelles aux crises-,cela nécessite un soutien financier sur plusieurs années et l’inclusion d’enveloppes de contingence dans les budgets pouvant être débloquées en cas de catastrophe climatique. La France doit également être prête à financer des évaluations d’impact carbone et environnemental des projets de réponse aux crises proposés par les ONG humanitaires. Elle doit aussi instaurer des mesures incitatives pour que les ONG françaises et locales adoptent des pratiques écoresponsables notamment en matière d’achat, d’approvisionnement, d’utilisation des modes de transport. Parmi les options possibles : proposer une assistance technique aux ONG pour les orienter dans cette transition, accepter l’inclusion dans les budgets de projet de coûts de compensation carbone et des coûts de mise en œuvre plus élevés pour garantir le recours à des biens et services respectueux de l’environnement.