Houssam est le fondateur de l’ONG Jafra R2R, première et unique ONG fondée par des réfugiés en Grèce. Les membres de Jafra aident les réfugiés bloqués en Grèce avec le soutien de CARE. Il raconte son exil et ses motivations.
« Je voulais faire évoluer l'image que les gens ont des réfugiés. »
Ne pas rester sans rien faire face à tant de souffrances est ce qui m’a aidé à ne pas baisser les bras au cours de ces six dernières années, malgré les violences perpétrées en Syrie et l’incertitude de l’exil. Puis, la volonté de faire évoluer l'image que les gens ont des réfugiés m’a poussé à créer la première et unique ONG fondée par des réfugiés en Grèce.
Ici, à Athènes, des milliers de réfugiés vivent dans des squats illégaux, privés de toute aide. On ne pouvait pas les laisser ainsi, alors on a commencé des distributions de nourriture. Nous avons aussi créé un centre pour loger les femmes et les enfants qui n’avaient nulle part où aller.
« J’ai vite compris que l’exil ne représentait pas forcément le retour à une vie normale. »
Notre organisation s’appelle « Jafra R2R » pour « Refugees to Refugees », d’après une ONG syrienne, Jafra. Au début de la guerre, j’avais 18 ans et je vivais dans la ville de Yarmouk. Après la répression des mobilisations citoyennes se sont succédé les bombardements, puis le siège qui se poursuit encore aujourd’hui. J’ai vu des centaines de personnes mourir de faim.
J’ai distribué de la nourriture avec les volontaires de Jafra mais je voulais aussi apporter de l’espoir aux habitants. Avec un ami médecin et musicien, nous organisions des petits concerts. On jouait à la lumière des bougies car la plupart du temps il n’y avait pas d’électricité. Ces rassemblements ont attiré l’attention de certains groupes armés qui ont essayé de nous arrêter. Ils ont saccagé notre appartement et nous ont menacés. J’ai cru que j’allais mourir mais j’ai réussir à fuir. C’était en 2013.
J’ai vite compris que l’exil ne représentait pas forcément le retour à une vie normale. On y subit l’isolement et d’autres formes de violences : à Beyrouth, des gens m’ont battu dans la rue simplement parce que je suis Syrien. Et la guerre nous suit partout : je devais rejoindre ma famille réfugiée en Turquie, mais quelques jours avant mon arrivée, un activiste et humanitaire syrien a été tué dans l’immeuble où j’étais censé travailler pour une ONG locale. Tout comme lui, j’avais documenté les crimes de guerre en Syrie. J’ai eu peur, alors j’ai fui en Europe.
« J’ai rencontré un jeune garçon de 10 ans qui refusait de jouer et de s’amuser. »
Depuis six ans, ma vie est mise entre parenthèses. Je sais que j’ai perdu les plus belles années de ma vie, celles pendant lesquelles on est censé construire son avenir. C’est le cas de nombreux Syriens, et notamment des enfants. J’ai rencontré un jeune garçon de 10 ans qui refusait de jouer et de s’amuser. Les épreuves qu’il avait vécues avaient détruit son enfance et il se considérait comme un adulte. Pendant deux ans, j’ai été volontaire dans une ONG au Liban qui apportait un soutien psychosocial aux enfants via les jeux et le théâtre. Depuis deux ans, nous essayons de faire de même en Grèce.
En février 2015, près de 14 000 personnes vivaient dans la boue et le froid à Idomeni et à Lagkadikia, dans le nord de la Grèce, dans l’espoir de la réouverture des frontières. Nous étions tous des réfugiés, nous devions nous entraider. Ensemble, nous avons par exemple réhabilité un bâtiment délabré pour y accueillir une école. Après quelques mois, des dessins d’arbres et de paysages se sont substitués aux images de guerre.
Des personnes vivant dans d’autres camps nous demandaient des conseils via Facebook pour reproduire et mettre en œuvre ces actions. Nous étions très fiers de tout ça.
« En Syrie, la situation empire de jour en jour avec la multiplication d’acteurs aux intérêts divergents. »
Quand les grosses ONG sont arrivées, nous avons voulu travailler avec elles mais certaines étaient méfiantes et ne comprenaient pas nos motivations. Faute de soutien et d’autorisations officielles, nos activités se sont arrêtées et j’ai été obligé de quitter le camp. Désormais, nous bénéficions du soutien de gens du monde entier qui nous suivent sur Facebook. L’ONG CARE (soutenue par la Commission européenne - ECHO) nous aide aussi.
Nous devons poursuivre nos actions car, en Syrie, la situation empire de jour en jour avec la multiplication d’acteurs aux intérêts divergents. Le constat est amer : notre gouvernement et les groupes armés tuent les civils syriens, la communauté internationale laisse faire, les passeurs profitent de notre désespoir et l’Europe a fermé ses frontières.
Dans l’attente du retour de la paix en Syrie, nous voulons faciliter l’intégration des réfugiés en Europe, notamment grâce à l’aide de volontaires grecs. Je veux lutter contre ce sentiment qui me poursuit depuis que j’ai quitté la Syrie et qui est partagé par nombre de réfugiés : je ne suis pas d’ici, je ne possède rien et je n’ai pas de futur, ici ou ailleurs.
CARE apporte une aide d'urgence aux populations syriennes
L’ONG CARE et ses partenaires, dont Jafra R2R, ont fourni une aide humanitaire à plus de 2,5 millions de personnes en Syrie et dans les pays d'accueil des réfugiés.