2018 a enregistré le triste record du plus grand nombre de personnes déplacées de force : 70,8 millions de personnes ont fui la guerre, les persécutions ou les catastrophes naturelles. Besoins humanitaires, obligations des États… Voici l’analyse de Fanny Petitbon, responsable plaidoyer chez CARE France.
Le nombre de personnes déplacées continue d’augmenter ?
En 2018, près de 70,8 millions de personnes ont été déplacées de force. Pourquoi ? Elles ont été contraintes de fuir la guerre, les persécutions ou les catastrophes naturelles.
Ce nombre comprend les réfugiés (25,9 millions), les déplacés internes (41,3 millions) et les demandeurs d'asile (3,5 millions).
C’est plus que la totalité de la population française, mais c’est surtout deux fois plus qu’il y a 20 ans, et 2 millions de plus qu'il y a un an ! Il s’agit du plus haut niveau jamais atteint en près de 70 ans selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Un réfugié sur deux est un enfant. Pour la vaste majorité d’entre eux, c’est une situation particulièrement dangereuse et bouleversante : ils voyagent souvent seuls, sans protection et sans famille.
Quels sont les pays d’origine des personnes déplacées ?
La majorité des réfugiés dans le monde viennent de Syrie : plus de 5,6 millions de réfugiés ont fui le conflit qui continue de faire rage.
Mais la détérioration de la situation humanitaire, économique et politique au Venezuela est également à l’origine de l'une des plus grandes crises de déplacement au monde : environ 4 millions de Vénézuéliens ont quitté leur pays depuis 2015.
Quels sont les principaux pays d’accueil des réfugiés ?
80% des réfugiés vivent dans les pays voisins du leur. C’est un fait important à rappeler face à des discours anxiogènes qui annoncent des arrivées massives aux frontières européennes.
En réalité, les pays riches n’accueillent en moyenne que 2,7 réfugiés pour 1000 habitants. Les pays à revenu moyen et à faible en accueillent 5,8. Et les pays les plus pauvres accueillent à eux seuls un tiers de tous les réfugiés dans le monde. Ces pays font preuve d’une réelle générosité malgré de faibles moyens.
C’est la Turquie, voisine de la Syrie, qui accueille le plus grand nombre de réfugiés au monde avec 3,7 millions de personnes. En Afrique, c’est l’Ouganda, voisin de la République démocratique du Congo qui en accueille le plus.
Quelle est la situation humanitaire pour ces millions de personnes déplacées ?
La multiplication des crises, et notamment de crises longues, équivaut à une multiplication des personnes déplacées et donc des besoins humanitaires.
Les pays vulnérables qui accueillent des réfugiés ont déjà des difficultés à répondre aux besoins de leurs propres citoyens. Et ils font face à une énorme pression supplémentaire pour venir en aide aux millions de réfugiés qui arrivent sur leur territoire face au manque de solidarité internationale et de soutien financier des pays riches. En Ouganda, par exemple, seuls 20% des fonds nécessaires pour l’aide aux réfugiés ont été financés !
Quelles sont les conséquences pour les réfugiés ?
Elles sont dramatiques. Quand les moyens et infrastructures nécessaires ne sont pas au rendez-vous alors une majorité d’enfants ne vont plus à l’école et voient leur avenir compromis. Des maladies évitables se propagent en raison de mauvaises conditions d’hygiènes…
Aujourd’hui, 69% des réfugiés syriens vivent en dessous du seuil de pauvreté : les enfants sont obligés de travailler, des familles entières vivent dans des logements insalubres. Et pour la plupart, cette situation dure depuis huit longues années.
Que fait l'Europe ?
L'UE veille à favoriser la libre circulation des biens et des capitaux mais en même temps fait tout pour restreindre celle des personnes qui ont besoin d’assistance ! L’Allemagne est ainsi le seul pays européen parmi les 10 principaux pays d’accueil des réfugiés. Pourtant, les États européens sont tenus par le droit international d’accueillir celles et ceux qui fuient pour sauver leurs vies. C’est un devoir légal, moral et éthique !
Or, aujourd’hui c’est tout le contraire : l’Europe accroit les dangers de leur exil. Actuellement, lorsque les pays en développement reçoivent des financements des pays européens, c'est seulement en contrepartie d'une plus grande restrictions de mouvement. En fermant ses frontières, l’Europe pousse les réfugiés entre les mains des passeurs. Le blocage des bateaux de sauvetage ne fait qu’aggraver cette catastrophe : plus de 34 361 personnes sont mortes en Méditerranée ces 15 dernières années.
L’action de CARE
CARE apporte une aide d’urgence aux populations déplacées dans toutes les parties du monde : au Moyen-Orient pour soutenir les populations syriennes, au Bangladesh pour soutenir les réfugiés Rohingyas, en Amérique latine pour soutenir les populations vénézuéliennes, en Afrique dans les camps de réfugiés en Ouganda, au Soudan ou au Kenya.
Nos actions répondent aux besoins les plus urgents :
- distribution de nourriture, de biens de première nécessité, soutien financier ;
- éducation, soutien psychosocial, informations sur les droits des réfugiés, sensibilisations contre les violences ;
- amélioration des conditions de vie, notamment par l'accès à l'eau et à l'assainissement ;
- renforcement des capacités de résilience des populations qui vivent dans des zones de crises.