Juana Sales est la présidente du Mouvement des femmes indigènes au Guatemala et notre partenaire en faveur du respect des droits des femmes indigènes et garifunas*. L'occasion de mettre en lumière un exemple d'action menée conjointement par CARE contre les violences faites aux femmes.
Pouvez-nous nous raconter votre histoire ?
J’ai 49 ans, j’ai un enfant et je suis responsable d’un de mes neveux et de sa fille d’un an. J’ai une licence d’histoire et, actuellement, je prépare un master d’anthropologie sociale. Depuis 2015, je suis la présidente du Mouvement des femmes indigènes et garifunas* nommé Tz’ununija’, autour duquel s’articulent 75 associations de femmes dans les départements d’El Quiché et d’Izabal, au nord-ouest et à l’est du Guatemala.
Lorsque j’étais enfant, mes parents ont fui au Mexique, à cause de la dictature. Moi, je suis restée vivre dans les montagnes et me suis impliquée dans les groupes résistants, jusqu’aux accords de paix en 1996, qui leur ont permis de récupérer leurs terres.
Depuis l’âge de 16 ans, j’accompagne les communautés à défendre leurs droits et je contribue à l’éducation d’enfants défavorisés. Je me considère comme une militante qui promeut les valeurs humanitaires, une éducatrice et une défenseure des droits humains.
Quel a été votre parcours au sein du Mouvement ?
Le Mouvement est né du besoin d’évoquer les violations des droits humains dont les femmes indigènes du Guatemala étaient victimes. Constituer et fédérer des associations locales et nationales de femmes indigènes pour la défense de leurs droits est devenu de plus en plus nécessaire. En 2007, le Mouvement a été créé dans le but de soutenir et d’organiser les actions des associations de femmes, afin de mener une lutte commune. Au début, je faisais partie de l’équipe technique en charge de la mise en œuvre du plan d’action établi chaque année. Puis, en 2015, j’ai été élue présidente.
À quelle situation les femmes indigènes défenseures des droits humains font-elles face ?
Au Guatemala, la violation systématique des droits humains ne cesse d’affecter la vie des peuples et des femmes indigènes. À l’origine de cette situation, il y a des raisons historiques, structurelles, politiques, économiques, sociales et culturelles, qui ont généré la marginalisation, l’exploitation et l’exclusion des peuples et femmes autochtones dans la prise de décisions sur des sujets qui les concernent directement. Les peuples indigènes, en réponse à leur résistance, ont été criminalisés, opprimés, voire même emprisonnés et violés. Même quand les femmes indigènes dénoncent les violations des droits des autres femmes du pays, elles sont discréditées et dévalorisées par la société et sont victimes de poursuites judiciaires.
Quelles sont les actions menées par le Mouvement face à cette situation ?
Le Mouvement s’est constitué légalement en 2010 et, avec l’appui de CARE, nous avons formalisé notre premier plan stratégique. Dans ce plan, des axes de travail ont été définis : participation et influence dans les espaces publics de décision aux niveaux local, national et international ; communication et formation politique ; renforcement organisationnel ; promotion de l’économie communautaire. À titre d’exemples, ont été développées la construction d’une politique publique des femmes indigènes, des formations sur les droits des peuples indigènes, la production de rapports et d’études sur la situation des femmes indigènes défenseures. Actuellement, nous travaillons avec CARE France sur la mise en œuvre d’un projet qui promeut l’accès à la justice des femmes indigènes ainsi que leur reconnaissance auprès des fonctionnaires du système judiciaire et des médias.
Quelles sont vos perspectives pour l’avenir ?
Le Mouvement a comme objectif de poursuivre la lutte pour les droits humains des peuples et notamment des femmes indigènes afin de parvenir à la justice sociale. Pour cela, nous voulons participer activement aux décisions à tous les niveaux et influencer les politiques publiques et les mécanismes de l’État. Par le passé, des candidat-e-s ont été présenté-e-s aux élections communautaire et locales, mais sans succès, en raison de l’exclusion dont souffrent les femmes indigènes. Aujourd’hui, j’attends la décision du gouvernement qui m’a incitée, avec le soutien du Mouvement, à proposer ma candidature au poste de ministre de la Femme.
* Les Garifunas sont un peuple afro-arauaco-caribéen, également connus sous le nom de Noirs des Caraïbes, issus du métissage entre des esclaves africains évadés et les autochtones des Caraïbes qui vivent le long de la côte en Amérique Centrale. Leur nom signifie « mangeur de manioc » en arawak.
Découvrez le projet
Promotion de l’exercice et de la défense des droits des communautés garifunas et mayas,
mis en œuvre par CARE France depuis janvier 2016
au Guatemala, financé par l'Union européenne.