Suite à la publication du rapport d’enquête de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA) faisant état de 19 civils tués et de blessés, huit ONG demandent à ce que toute la lumière soit faite sur les frappes du 3 janvier 2021 à Bounti. 

Un rapport d’enquête de la Mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA) publié le 30 mars fait état de 19 civils tués, et au moins huit autres blessés lors de frappes aériennes de la Force Barkhane le 3 janvier 2021 à Bounti, dans la région de Douentza au Mali. Les éléments de l’enquête permettent de confirmer la tenue d’une célébration de mariage rassemblant une centaine d’hommes âgés de 23 à 71 ans sur le lieu de la frappe. Parmi eux, cinq personnes étaient des membres présumés d’un groupe armé selon les enquêteurs de l’ONU. La frappe aurait causé la mort de trois d’entre eux, portant le nombre de personnes tuées à 22.

Dans son communiqué en réaction à la sortie de ce rapport, le ministère français des Armées maintient sa position et confirme avoir « neutralisé » des éléments identifiés comme appartenant à un groupe armé « terroriste ». Le ministère assure également avoir effectué la frappe selon le processus de ciblage aux normes de l’OTAN, dans le strict respect du droit international humanitaire.

Les ONG signataires rappellent que les opérations de lutte contre le « terrorisme » ne peuvent se conduire au détriment du Droit international Humanitaire (DIH) et du Droit International des Droits de l’Homme (DIDH). Sur la base des résultats de l'enquête de la MINUSMA les dommages civils, d’une frappe ciblant un rassemblement d’une centaine de personnes, parmi lesquelles cinq membres présumés d’un groupe armé identifié comme “terroriste”, paraissent disproportionnés par rapport à l’avantage militaire qui en résulte.

Cette attaque souligne, une fois de plus, que l’utilisation d’armes explosives à large rayon d’impact dans des zones où se concentrent des civils engendre des conséquences disproportionnées ou indiscriminées. Toutes les parties au conflit doivent placer la protection des civils et la sécurité humaine au cœur de toute intervention au Sahel, dans le strict respect du DIH et du DIDH.

Nos ONG demandent à ce que toute la lumière soit faite sur les frappes du 3 janvier 2021 à Bounti, et soutiennent la recommandation de la MINUSMA exhortant la France et le Mali à mener une enquête indépendante et transparente sur les circonstances de cette frappe et les dommages causés aux civils. La France devrait montrer l’exemple de bonnes pratiques en matière de protection des civils en partageant, en toute transparence, les éléments d’information liés à ces frappes pour rendre compte de l’impact des opérations militaires sur les civils et en versant des dédommagements aux victimes et à leurs familles.

Signataires

  • African Security Sector Network

  • Action Contre la Faim

  • Association Malienne des Droits de l'Homme

  • CARE France

  •  Fédération Handicap International – Humanité et Inclusion

  • Fédération internationale pour les droits humaine (FIDH)

  • Observatoire Kisal

  • Oxfam France

Ces organisations sont membres de la Coalition citoyenne pour le Sahel, une alliance informelle de plusieurs dizaines d’organisations de la société civile sahélienne et ouest africaine, soutenues par des ONG internationales.

Notes aux rédactions

Depuis plusieurs années, le Mali fait face à une dégradation de la situation humanitaire et sécuritaire. Le plan de réponse humanitaire 2021du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires (BCAH) estime que 11,7 millions de personnes sont affectées par la crise humanitaire et que 5,9 millions de personnes ont un besoin d’assistance humanitaire. Cette situation alarmante est amplifiée par les nouveaux risques dus à l’impact de la Covid-19 sur des populations déjà affectées par une profonde crise humanitaire.