L’engagement des pays riches pour financer l’adaptation : qu’en est-il réellement ?

Un constat sans appel dans l’examen des 26 dernières “soumissions” biennales faites par les pays riches à la CCNUCC : les financements proposés par les pays riches sont insuffisants et sont même très loin des engagements pris lors des précédentes COP.  Malgré leurs promesses, seuls 10 pays contributeurs sur 26 s’engagent à financer l’adaptation des pays vulnérables avec plus ou moins d’ambition. 

Adaptation, soumissions biennales : de quoi parle-t-on ?

  • L’adaptation concerne les impacts du changement climatique alors que l’atténuation traite des causes du changement climatique (limiter l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère) 
  • Les pays riches doivent soumettre des communications biennales, dans lesquelles elles présentent des informations quantitatives et qualitatives notamment sur les ressources financières à accorder aux pays en développement 

En 2009, les pays développés s’étaient engagés à contribuer à hauteur de 100 milliards de dollars par an aux pays en développement à partir de 2020, avec un financement qui se devait équilibré entre le soutien à l’adaptation au changement climatique et l’atténuation de ses effets. Ces 26 pays sont : Luxembourg, Nouvelle-Zélande, Finlande, Royaume-Unis, Irlande, Danemark, Suède, Canada, Belgique, Australie, Allemagne, Pays-Bas, Norvège, Commission Européenne, Etats Unis, France, Suisse, Italie, Autriche, Espagne, Japon, Portugal, République Tchèque, Slovénie, Grèce, Slovaquie 

Des financements insuffisants

  • Seulement 28,6% des fonds promis pour l’adaptation : lors de la COP 15, les pays développés s’étaient engagés à verser aux pays du Sud 100 milliards de dollars par an, au plus tard en 2020, (dont 50 milliards réservés à l’adaptation au changement climatique). Mais l’ONG CARE constate que non seulement la promesse n’est toujours pas atteinte mais qu’elle ne le sera pas non plus en 2025. A ce jour, seuls 14,3 milliards de dollars par an sont prévus pour le financement de l’adaptation (1). Ce montant est nettement inférieur aux promesses annoncées, et loin des besoins d’adaptation pour les pays du Sud qui pourraient atteindre entre 160 et 340 milliards de dollars par an d’ici à 2030 selon le PNUE.
  • Seulement 10 pays contributeurs sur 26 intègrent l’adaptation dans leur soumission : le Canada, le Danemark, la France, le Japon, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Commission européenne. À l’inverse, bien que les pays riches aient reconnu l’urgence de la situation et aient accepté de doubler les engagements financiers en faveur de l’adaptation d’ici 2025 lors de la COP26 à Glasgow, près des 2/3 des contributeurs n’annoncent aucun engagement financier clair en faveur de l’adaptation pour les années à venir –se contentant soit de vagues formulations ou ignorant tout simplement le sujet.  
  • Parmi les contributeurs, trois des plus grands ont déjà renoncé à atteindre un équilibre atténuation/adaptation :  le Japon, la France et les États-Unis ont indiqué que l’adaptation représentera moins de la moitié du total de leurs financements climat, ce qui rendra l’équilibre impossible à atteindre dans les années à venir. 
  • Soutenir les femmes : seulement 4 pays (France, Allemagne, Nouvelle-Zélande, États-Unis) sur les 26 se sont fixé des objectifs en matière de financement climat visant aussi à réduire les inégalités de genre
  • Prêts vs subventions : les soumissions montrent que les pays ont tendance à se dédouaner de leurs responsabilités et comptent fortement sur les banques multilatérales de développement et le secteur privé pour combler le fossé et atteindre la cible des 100 milliards de dollars convenue il y a près de 14 ans !  Or, ces acteurs allouent la majeure partie de leur soutien sous forme de prêts et sont peu enclins à donner la priorité à l’adaptation.
(1) En additionnant les montants proposés dans les soumissions biennales des différents pays, on parvient à une somme totale théorique de 14,3 milliards de dollars fléchés sur le financement de l’adaptation. Une somme bien éloignée des 50 milliards promis. 

Une note de 6/20 pour la France

L’étude de CARE attribue une note de 6/20 (2) à la France concernant son plan de futurs financements climat. Malgré les efforts constatés depuis la précédente soumission, les engagements proposés restent insuffisants et déséquilibrés en faveur de la réduction des émissions : 

    • Pour les années passés (2019 et 2020), seuls 5,96 et 5,08 milliards d’euros ont été dépensés, et selon les nouvelles soumissions biennales, la France ne sera pas plus ambitieuse : elle reste sur une promesse de “6 milliards d’euros pour le climat chaque année entre 2021 et 2025” 
    • Manque de détail sur les projets, programmes et bénéficiaires qui seraient financés 
    • La soumission ne fournit pas d’informations indiquant que le financement de la France en faveur du climat sera « nouveau et additionnel » , ce qui est contraire aux engagements de la CCNUCC. 
(2) CARE a évalué chaque plan de financement en fonction de cinq critères en lien avec les engagements clés de la CCNUCC (voir annexe A du rapport). Chaque pays peut obtenir un maximum de 20 points. 

Les conséquences du changement climatique ne cessent de s'aggraver

« Le changement climatique n’épargne plus personne. Pour ceux qui sont les plus gravement frappées par l’urgence climatique sans en être responsables, abandonner n’est pas une option. L’adaptation est l’unique issue pour survivre. Dans certains cas, si l’on cesse de s’adapter, on ne mange plus. Pourtant, l’examen attentif des plans de financement climat des pays riches démontre que ces derniers ne parviennent toujours pas à définir une trajectoire claire pour honorer leurs engagements financiers, en particulier en matière d’adaptation », explique John Nordbo, de CARE au Danemark et l’un des auteurs du rapport.  

Ne pas financer l’adaptation au changement climatique menace les progrès déjà réalisés en matière de lutte contre la pauvreté : 132 millions de personnes supplémentaires pourraient basculer dans l’extrême pauvreté d’ici à 2030 à cause du changement climatique.  

CARE demande aux pays riches de tenir l’engagement pris lors de la COP26 d’au moins doubler le financement de l’adaptation d’ici 2025. 

Contact presse pour les médias : 

  • Delphine Holstein, holstein@carefrance.org, 07 86 00 42 75

Notes aux rédactions

  • Le rapport complet “HOLLOW COMMITMENTS 2023 : an analysis of developed countries’ climate finance plans” se trouve ici. 
  • L’auteur de l’étude et d’autres experts climat chez CARE sont disponibles pour des interviews.  
  • Pour en savoir plus sur CARE : l’association internationale CARE agit partout où le changement climatique bouleverse des millions de vies et aggrave les inégalités et l’extrême pauvreté dans le monde. Nous apportons une aide vitale d’urgence aux plus vulnérables touchées par des catastrophes naturelles, nous renforçons leurs capacités à s’adapter aux impacts climatiques sur le long terme, grâce à des techniques agricoles résilientes par exemple. Et nous portons la voix des populations que nous soutenons au sein des conférences internationales sur le climat afin que les gouvernements agissent contre le changement climatique. 

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