Behrooz et sa famille ont dû fuir leur pays suite à leur conversion religieuse. Bloqués en Serbie, ils vivent désormais dans un motel/station-service transformé en centre de réfugiés. C'est là qu'ils s'apprêtent à fêter leur premier Noël.
Une ombre plane sur ses yeux bruns chauds quand il évoque son passé
« Notre fils, Yashar, est très impatient de fêter son premier Noël mais nous n’avons pas de quoi organiser une belle célébration. Nous n’avons pas d’argent pour acheter des cadeaux ou même des bougies. »
L'histoire de Behrooz, de Faranak et de leur jeune fils Yashar est celle d’un choix qui n'a pas été accepté par la société. J’ai été bouleversée par cette famille venue d’Iran, piégée dans les limbes, à cause de la fermeture des frontières européennes :
« À Téhéran, il y avait des collègues chrétiens dans mon usine. Je me suis intéressé à leur religion, j’ai pris des cours pour en savoir plus et finalement je me suis converti. C'était un choix personnel, ma femme a fait le même. C'est à ce moment-là que nos problèmes ont commencé », raconte Behrooz, 40 ans.
Une ombre plane sur ses yeux bruns chauds quand il évoque son passé.
« Nous avions l’impression d’être sur le Titanic »
La liberté de religion est un droit humain fondamental et l'un des principes des sociétés démocratiques. Pourtant, la direction de l’entreprise de Behrooz, après en avoir été informée par un de ses collègues, n’a pas approuvé son choix : Behrooz a été soumis à des questions et à des menaces. « Si vous ne quittez pas le pays, vous aurez de gros problèmes. » La nuit, quand Behrooz regardait son fils de six ans dormir, il avait peur. Sa propre famille a cessé de lui parler.
« Nous avions l’impression d’être sur le Titanic », dit Faranak, son épouse. « Nous nous noyions lentement. Nous avons commencé à avoir des problèmes financiers parce que les gens nous ont exclus, nous évitaient. »
Les souvenirs leur sont difficiles à évoquer. Behrooz et sa famille sont aujourd’hui bloqués en Serbie dans un motel avec station-service transformé en camp de réfugiés. Deux mois après leur conversion, ils ont fui leur pays en secret. C’était en mars dernier. Ils ont d’abord pris un avion pour la Turquie où ils ont été arrêtés par la police alors qu’ils tentaient de prendre un bateau pour l’Europe. Ils ont été emprisonnés pendant vingt-et-un jours, craignant pour leur vie car la police renvoyait tous les Iraniens dans leur pays. Behrooz et Faranak les ont suppliés : « Ils vont nous tuer. S'il vous plaît. » La famille a été libérée.
« Je ne voulais pas donner mes empreintes digitales, alors ils ont commencé à me frapper avec un bâton »
Finalement, ils ont rejoint la Bulgarie par la route. Ils ont d'abord marché trois jours et quatre nuits. Traversant l’obscurité, effrayés, épuisés, désespérés, ils tenaient le petit Yashar par la main. Un contrebandier les a ensuite emmenés dans un fourgon. Trente-deux personnes étaient entassées dans un véhicule ne pouvant en contenir que dix. C'est la logique brutale des contrebandiers : plus il y a de personnes, plus il y a d’argent. Quand la police a voulu arrêter le fourgon, le conducteur a perdu le contrôle du véhicule. Trois personnes en ont été éjectées lorsqu’il s’est retourné sur la route cahoteuse. Tous les passagers ont été blessés. « Ici », dit Behrooz en montrant ses cicatrices, tandis que sa femme fait le même geste. Après trois jours dans un hôpital en Bulgarie, la famille a été conduite dans un centre de détention.
« Dans le centre de détention, ils nous ont obligés à signer des documents que nous ne comprenions pas. », se souvient Behrooz.
Assise en face d’eux, il m’était tellement difficile de regarder ces gens si doux parler des horreurs vécues.
« Je ne voulais pas donner mes empreintes digitales, alors ils ont commencé à me frapper avec un bâton. Ils visaient les parties de mon corps blessées lors de l’accident. Ils ont retiré des lambeaux de peau de mon dos. Et pendant tout ce temps, Yashar était dans la pièce. »
Ils ont poursuivi la route avec des contrebandiers. Que pouvaient-ils faire d’autre ?
Après ce qui leur a semblé une éternité, la famille a finalement été relâchée. Mais le cauchemar a continué. Ils ont poursuivi la route avec des contrebandiers. Que pouvaient-ils faire d’autre ? Après plusieurs trajets dans des voitures bondées, un nouvel accident très grave, Behrooz et sa famille ont atteint la Serbie : un cul-de-sac après la décision de la Hongrie de fermer la frontière. Les autorités ne laissent passer que vingt personnes par jour.
« Nous espérions une vie en paix et en liberté », dit Faranak en regardant son fils. L’amour qu’ils ont l’un pour l’autre, assis côte à côte, transparaît dans leurs gestes simples, la façon qu’ils ont de se toucher la main ou de se sourire.
La famille a été transférée dans ce motel/station-service transformé en centre de réfugiés et vit désormais dans une grande tente avec d'autres familles. C’est ici que tous trois s’apprêtent à fêter leur premier Noël. Les douches communales et les toilettes construites par CARE offrent un peu de dignité mais les conditions de vie restent très précaires.
« Nous ne pouvons pas nous faire soigner ici. Cet endroit n'est pas propre. Et Yashar ne peut pas aller à l’école. »
« Nous avons peur de parler de notre religion »
Ils n’ont pas le cœur à penser à la fête religieuse la plus importante dans leur nouvelle communauté de foi :
« Nous avons peur de parler de notre religion. Nous avons eu tant de problèmes », dit Faranak, le regard vide. « Si nous étions chez nous, nous pourrions célébrer Noël dans notre maison. »
Behrooz regarde son fils dessiner sur un morceau de papier.
« Je voudrais essayer de fabriquer un Père Noël pour Yashar à partir de matériaux récupérés », dit-il.
Faranak ajoute :
« Je voudrais lui offrir un symbole : une cage avec des oiseaux. On les libèrerait ensemble. On pourrait les regarder voler librement.»
Un texte de Sabine Wilke, membre de l’ONG CARE de retour d’une mission en Serbie. Sabine Wilke est la directrice communication/média de l’ONG CARE en Allemagne. Elle est souvent déployée dans les pays en crise pour assister les équipes locales de CARE. Par sa plume et son appareil photo, elle veut donner une voix et un visage aux femmes, enfants et hommes affectés par des catastrophes et des injustices. Elle a fait plusieurs missions en Haïti après le séisme, en RDC et au Niger.
Le Huffington Post a publié ce témoignage
L'action de CARE
CARE et ses partenaires locaux fournissent une aide humanitaire aux réfugiés et migrants dans les Balkans.
Depuis 2015, CARE et ses partenaires ont distribué 130 000 kits de nourriture, 4 200 kits d’hygiène et 38 000 kits d’urgence (comprenant des vêtements chauds, des couvertures, des chargeurs de telephone). CARE a également construit 50 toilettes et douches dans les camps de réfugiés et a installé des machines à laver.
13 172 personnes, dont 8 000 enfants, ont participé à des activités de soutien et récréatives organisées par CARE et ses partenaires.