Hassan, ambulancier depuis 5 mois dans la zone assiégée d'Alep, en Syrie, raconte son quotidien. « Le désespoir et les souffrances atteignent des niveaux que nous n’aurions jamais imaginés », dit-il, alors que 250 000 civils sont pris au piège des bombardements.

Par Hassan, ambulancier dans la partie est d’Alep, la zone assiégée où vivent près de 250 000 civils. Hassan travaille pour l’association syrienne Shafak qui aide les populations dans le nord de la Syrie par l’apport de soins médicaux, des distributions d’urgence et un soutien à l’éducation. Cette organisation humanitaire syrienne est soutenue par CARE.

« Pendant que je vous écris, j’entends les bombardements et les tirs. »

Depuis cinq mois, je conduis des ambulances à travers la ville d’Alep. Avant la guerre, j’étudiais l’économie à l’université et je travaillais à la gare d’Alep. Mais j’ai dû tout arrêter. Je suis devenu travailleur humanitaire pour pouvoir aider les Syriens. 

Pendant que je vous écris, j’entends les bombardements et les tirs. Ce n’est pas la première fois mais vous ne vous habituez jamais à la guerre. La vie est différente d’avant. Maintenant, les bombardements deviennent plus intenses. Je l’entends. 

Désormais, même les enfants savent distinguer les sons des bombes barils, des bombes au phosphore et des obus de l’aviation russe. Ce ne sont pas des zones précises qui sont frappées. Quand une bombe tombe, elle détruit un quartier entier. Le désespoir et les souffrances atteignent des niveaux que nous n’aurions jamais imaginés.

La fatigue et la faim, le quotidien des populations à Alep

Quand les bombardements sont très intenses, personne ne peut dormir. Jour après jour, nous n’arrivons pas à nous reposer. Je suis tellement fatigué maintenant. Je ne savais pas qu’on pouvait l’être autant. 

Puis, il y a la faim. La plupart des produits alimentaires de base ont disparu des marchés qui fonctionnent encore. Et ceux que l’on trouve sont deux à trois fois plus chers qu’avant la guerre. Il n’y a presque plus d’eau potable depuis que la principale station de pompage a été bombardée. Je ne peux pas m’empêcher de me demander comment nous en sommes arrivés là. Je donnerais n’importe quoi pour un peu de normalité, de paix.

Après des années de guerre, nous avons dépensé toutes nos économies et il est difficile de trouver un emploi. Quand quelqu’un a à manger et à boire, il partage avec ses voisins. C’est la seule chose qui nous permet de survivre : la solidarité, l’humanité au milieu de ce drame.

« Quand nous arrivons sur un lieu bombardé, les avions reviennent et nous tirent dessus. »

En tant qu’humanitaire, je vois ce qu’il y a de pire dans cette guerre. Je coordonne plusieurs ambulances et je passe la plupart de mon temps à en conduire une pour essayer d’aider ceux qui ont été blessés. 

Quand nous conduisons, c’est comme une course au cours de laquelle nous essayons d’éviter les tirs incessants. Quand nous arrivons sur un lieu bombardé, les avions reviennent et nous tirent dessus. C’est un miracle que je sois encore en vie. Plus d’une fois, j’ai failli mourir. Je ne sais pas comment j’ai survécu. 

Notre ambulance est continuellement touchée par des éclats d’obus. Cela prend du temps pour la réparer. Et où trouver des pièces de rechange en pleine guerre? Nous avons besoin de nouvelles ambulances au lieu de rouler comme des fous dans des véhicules qui tiennent à peine la route.

« Les bombes ne font aucune différence entre les combattants et les civils. »

Écoutez-moi… Je ne demande même plus un hôpital, des docteurs ou de l’équipement chirurgical. Voilà où j’en suis. Nous souhaitons juste une ambulance qui fonctionne et prions pour ne pas être attaqués lorsque nous essayons de sauver d’autres personnes. 

Et il ne s’agit pas que de nous. Les bombes ne font aucune différence. Elles ne distinguent pas les combattants des civils et des humanitaires. 

Mais malgré tout, nous continuons, nous continuons à faire notre travail. Que pouvons-nous faire d’autre ? On ne peut pas abandonner ceux qui ont besoin de nous. Je fais ça pour mon pays et mes concitoyens. Ce sont eux qui me motivent à continuer, à me lever après une autre nuit sans dormir. Ces vies que j’ai aidées à sauver, les gens que nous avons aidés : ils prient pour nous et nous remercient de nous être arrêtés pour eux, de les avoir aidés dans cette guerre inhumaine.

« J’espère juste que vous ne nous oublierez pas, nous, ici, en Syrie. »

Que puis-je dire de plus au reste du monde qui n’a pas déjà été raconté ? Les dirigeants de ce monde savent qui nous bombarde et qui nous aide. Ils savent qu’ici des gens meurent chaque jour, que les travailleurs humanitaires sont coincés entre les lignes de front. L’aide doit accéder aux zones assiégées. 

Nous ne cessons de demander un cessez-le-feu, nous avons exigé la fin de ces souffrances, nous avons réclamé une solution politique. Plus que tout, nous voulons la paix. 

Puisque tout a déjà été dit, je n’ai pas grand-chose à ajouter de plus… J’espère juste que vous ne nous oublierez pas, nous, ici, en Syrie.