Pour les femmes syriennes, les conséquences de la guerre sont multiples et complexes. Souvent réduites au statut de victimes, elles disposent pourtant d’une incroyable capacité d’agir. Les femmes doivent être au cœur de la réponse humanitaire et des processus paix et de reconstruction, appelle Fanny Petitbon de l’ONG CARE.
Les femmes font preuve d'une résilience exceptionelle
En situation de guerre, les femmes paient en général un lourd tribut. En Syrie, l’effondrement de l’économie et les violences ont entrainé une augmentation sans précédent des mariages forcés. Les bombardements visant les centres de santé, les sièges de nombreuses villes et la famine font que la mortalité maternelle et infantile atteint des records. À ceci s’ajoute le fait que les femmes se retrouvent souvent seules à la tête de leur famille, car les hommes sont disparus ou morts. Pourtant leur place dans la société n’évolue pas et elles font toujours face à de nombreuses discriminations. Parmi le demi-million de Syriens ayant fui en Jordanie, seulement 4% des permis de travail délivrés aux réfugiés concernaient des femmes. Non seulement l’accès à l’emploi est plus difficile mais elles ont besoin de plus de flexibilité pour pouvoir s’occuper de leurs enfants, ce que l’employeur est rarement prêt à accepter, et sont plus vulnérables à l’exploitation et aux abus.
En dépit de ces défis, les femmes font preuve d’une résilience exceptionnelle. Elles se battent au quotidien, s’engagent auprès de leurs communautés, travaillent pour subvenir aux besoins de leur famille. Pourtant, elles restent majoritairement exclues de la réponse humanitaire et des processus de paix.
« Nous aimerions qu’au lieu de nous questionner sur nos besoins, on nous demande quelles sont nos compétences et capacités, et comment il est possible de nous soutenir dans ces domaines. Nous ne voulons pas être vues comme des personnes qui demandent, mais comme des femmes qui sont actrices du changement », explique l’association syrienne Women Now, partenaire de CARE.
Les femmes syriennes doivent jouer un rôle-clé dans les stratégies de reconstruction
Dans cette optique, le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés a récemment adopté une nouvelle stratégie prenant davantage en compte l’avis des femmes syriennes. Nous espérons que cela permettra de répliquer des initiatives telles que les « Women Leadership Councils » lancés par CARE il y a quelques années. Mis en place dans quatre villes de Jordanie, ces groupes permettent aux Syriennes d’être entendues par les ONG et les autorités locales. Yasmin est l’une des membres de ces groupes. Elle recueille l’avis de ses compatriotes sur les programmes humanitaires dont elles bénéficient et sur les mesures qui leur permettraient de gagner en autonomie, tels que l’accès à l’éducation ou à des formations professionnelles.
« Nous abordons beaucoup de sujets, dont les violences sexistes et les mariages précoces », explique-t-elle. « Je me suis mariée très jeune et j’ai arrêté d’aller à l’école. Je ne permettrai pas que ma fille aînée, qui a maintenant 18 ans, se marie avant la fin de ses études », confie Yasmin.
« Faire partie de ce groupe a changé ma vie. J’ai pris confiance en moi. Mon mari et mes enfants me regardent différemment ; je peux sentir qu'ils sont fiers de moi. »
A l’image de Yasmin, les femmes syriennes doivent jouer un rôle-clé dans les stratégies et programmes visant à répondre à leurs besoins sur le court et moyen terme. Il faut aussi que les responsabilités qu’elles assument aujourd’hui soient pleinement reconnues, que cette autonomie marque le début d’une plus grande égalité entre les femmes et les hommes.
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L’ONG CARE et ses partenaires ont fourni une aide humanitaire à plus de 3 millions de personnes en Syrie et dans les pays qui accueillent des réfugiés syriens.
Ce texte a été publié par le Journal du Dimanche