Sonja Meyer, coordinatrice des programmes en Syrie pour l’ONG CARE, explique la situation à Madaya et dans les autres villes assiégées en Syrie. CARE appelle toutes les parties au conflit à mettre fin aux sièges et à assurer un accès humanitaire à toutes les populations.

Quelle est la situation à Madaya ?

L’hôpital local a rapporté 31 décès provoqués par la famine entre le mois de décembre et le jour où l’accès à la ville a été autorisé pour les humanitaires. Depuis, deux autres personnes sont mortes de faim.

Hier, un second convoi de l’ONU a pu entrer dans Madaya et apporter une aide d’urgence. Mais les stocks de nourriture apportés ne dureront qu’un mois.

De même, aucune assistance médicale n’a été autorisée pour l’instant alors que nous savons que 400 personnes ont besoin d’être évacué de manière urgente. C’est une question de vie ou du mort.

L’ONU est aujourd’hui en charge d’apporter une aide à Madaya. CARE travaille dans de nombreuses autres zones assiégées ou difficiles d’accès.

Quelles sont les besoins de la population ?

Les gens sont soulagés que l’aide puisse enfin arriver. Mais il faudra du temps pour qu’ils surmontent les séquelles physiques de la faim et de la malnutrition. La priorité est bien sûr un apport régulier de nourriture. Pour cela, le siège doit être levé de manière définitive. Il faut garantir un accès pour les ONG, tel que le prévoit la résolution 2258 de l’ONU.

Les besoins les plus urgents sont médicaux. Beaucoup de gens souffrent aujourd’hui de malnutrition sévère. A Madaya, il n’y a qu’un seul hôpital et très peu de personnel formé. Ils manquent de matériels médicals et de médicaments.

Et il faut aussi apporter des moyens de chauffage, des couvertures, des habits pour les enfants… pour que les populations puissent faire face à l’hiver. En ce moment à Madaya, les températures sont négatives.

D’autres villes sont-elles dans la même urgence ?

Actuellement en Syrie, 400 000 personnes vivent dans une zone totalement assiégée. Ce sont les estimations officielles. Les organisations humanitaires locales pensent que ce chiffre est bien plus important.

Beaucoup de nouvelles zones ont récemment fait l’état d’un siège, des combats ayant commencé ou les accords de cessez-le-feu ayant échoué. C’est le cas par exemple de la ville de Moadamiyeh, une ville au sud de Damas. 50 000 personnes sont aujourd’hui piégées à Moadamiyeh et dans la ville voisine de Daraya.

Il faut que ces sièges soient levés, sinon on se retrouvera confronter à la même situation qu’à Madaya.

Les humanitaires n'ont donc pas accès à toutes les populations qui ont besoin d'une aide?

Aujourd’hui en Syrie, plus de 4,5 millions de personnes vivent dans des zones « difficiles d’accès », selon l’ONU. Ces personnes n’ont donc pas accès ou très rarement à une aide humanitaire.

Un tiers de la population en Syrie est prisonnière d'un siège partiel ou total. Seules des organisations humanitaires locales, comme celles avec lesquelles CARE travaille, peuvent apporter une aide aux populations.

Aujourd’hui, 15 zones sont répertoriées comme étant difficiles d’accès ou assiégées. Parmi les zones difficiles d’accès, la plus importante se situe dans la région de la Ghouta orientale près de Damas. 750 000 civils y sont piégés.

La famine est-elle devenue une arme de guerre ?

La famine est utilisée comme une stratégie de guerre par les différentes parties au conflit. Ils veulent forcer l’autre camp à déposer les armes en mettant les civils entre les lignes de front.

Nous sommes très inquiets parce que cette tactique est très utilisée. Le nombre de personnes et d’endroits assiégés a considérablement augmenté l’année dernière.

Quel est le message de CARE ?

CARE appelle toutes les parties au conflit à mettre fin aux sièges et à assurer un accès humanitaire à toutes les populations.

Les civils ne doivent pas être ne doivent pas être pris en otage ou utilisés comme un moyen de pression par les parties au conflit.

Garantir un accès pour les humanitaires est une obligation ! Ce n’est un sujet de négociation !