En Jordanie, 82 % des réfugiés syriens vivent sous le seuil de pauvreté, selon un récent rapport de CARE. Les femmes sont les plus vulnérables, beaucoup sont sans emploi ou exposées à des risques d’abus, alerte Eman Ismail, directrice de notre bureau local.
« Nous marchions sur des cadavres, des corps d’enfants... »
Hadjia* avait 28 ans quand les bombardements ont obligé sa famille à fuir leur village situé dans les environs d’Alep.
« J’étais terrifiée. Je cherchais désespérément à échapper à ce chaos. J’ai couru dans la première voiture qui m’a acceptée. Nous regardions le ciel, essayant de repérer les avions pour éviter les explosions », raconte-t-elle.
Hadjia, séparée de sa famille dans la précipitation, a alors décidé de fuir le pays. Les autorités jordaniennes privilégiant l’accueil des couples mariés et des familles, Hadjia s’est résignée à épouser un jeune homme rencontré à la frontière. Aujourd’hui, divorcée et sans emploi, Hadjia lutte pour subvenir seule aux besoins de ses deux enfants de 4 ans et 15 mois.
Enceinte, Hadjia a passé plusieurs semaines dans la rue avec sa fille
L’histoire de Hadjia est celle de nombreuses Syriennes qui ont risqué leur vie pour échapper à la guerre et à une mort probable. 82 % des réfugiés syriens, interrogés par CARE en Jordanie, vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté. 89 % ont dû s’endetter pour faire face à un exil qui semble sans fin. Malgré les efforts de la communauté internationale et des autorités jordaniennes pour favoriser leur insertion, seul un réfugié sur cinq a un emploi. Le manque d’opportunités, le prix élevé des autorisations de travail et l’obligation de signer un contrat d’un an afin d’obtenir un de ces permis sont autant d’obstacles à l’intégration économique des réfugiés.
Alors qu’elle était enceinte, Hadjia et sa fille ont passé plusieurs semaines dans la rue.
« Je n’avais pas d’argent… Tout ce que je possédais tenait dans un seul et unique sac. J’essayais de trouver des endroits où dormir, même pour une seule nuit. Nous avons dormi dans des mosquées et à l’entrée de bâtiments. J’ai demandé à des étrangers qui se rendaient à l’hôpital si nous pouvions les accompagner, de façon à ce que ma fille et moi puissions rester à l’intérieur, même pour un court moment. Je n’avais même pas honte de faire tout ça parce que j’avais peur pour ma fille et pour moi. »
Comme beaucoup de Syriens, elle et ses enfants dépendent de l’aide humanitaire
En Syrie, Hadjia travaillait dans les champs. Mais aujourd’hui, elle souffre d’arthrite et n’a personne pour s’occuper de ses jeunes enfants pendant la journée. Après avoir suivi une formation de couture menée par nos équipes et reçu une machine à coudre, Hadjia peut désormais confectionner des vêtements pour ses enfants, mais elle a encore du mal à vivre de cette activité. Alors, Hadjia s’accroche à l’espoir que la guerre se termine. D’ici là, comme beaucoup de Syriens, elle et ses enfants dépendent de l’aide humanitaire.
Après six longues années de guerre, il est plus qu’urgent de renforcer la résilience des réfugiés, et tout particulièrement des femmes. 30% des familles syriennes en Jordanie sont dirigées par des femmes seules. Parmi elles, seul un tiers ont un emploi. La plupart travaillent à domicile ou trouvent des emplois informels qui leur offrent plus de flexibilité, mais qui ne leur garantissent aucune sécurité ou protection juridique. Il est de notre devoir de les protéger et de les aider à devenir autonomes économiquement, en créant d’avantage d’opportunités professionnelles, des formations, des programmes de microfinance. Ces femmes ne veulent qu’une chose : offrir des conditions de vie décentes à leur famille.
* Le nom a été changé pour protéger la vie privée de la personne.
L'action de CARE pour aider les populations syriennes
L’ONG CARE et ses partenaires ont fourni une aide humanitaire à plus de 2,5 millions de personnes en Syrie et dans les pays voisins.
Ce texte a été publié par le Journal du Dimanche