Plus de 650 000 réfugiés syriens vivent en Jordanie dans des conditions très précaires. 78 % d’entre eux n’ont pas de travail ou de sources de revenus fixes, selon une récente étude menée par CARE. C’est le cas de Yaman qui était médecin en Syrie. Voici son témoignage.
« En tant que réfugié, je ne peux plus exercer mon métier. »
En Syrie, j’étais médecin, comme mes parents l’avaient été avant moi. Nous avions la même passion, le même rêve. Aujourd’hui, j’ai 37 ans. J'ai fui la guerre et mon pays et je vis maintenant en Jordanie. En tant que réfugié, je ne peux plus exercer mon métier.
Je travaille parfois comme volontaire pour CARE ou d’autres organisations humanitaires. Les indemnités que je reçois ne suffissent pas à couvrir toutes nos dépenses, dont notre loyer.
En Syrie, je travaillais dans un hôpital et j’avais créé mon propre laboratoire. Je gagnais environ 1 700 euros par mois, une somme considérable en Syrie. Je possédais un bel appartement à Daara, une ville du sud du pays. Nous avions une vie confortable. Mais, au début du conflit, des manifestations ont éclaté dans notre ville. Ces mouvements de protestation ont été violemment réprimés par les armes et des bombardements.
« Un jour, l’immeuble à côté du nôtre a été totalement détruit. »
En avril 2011, un couvre-feu a été imposé, et nous avons connu une période très difficile. Nous devions rester confinés chez nous. Tous les lieux de travail étaient fermés. Parfois, nous n’étions pas autorisés à sortir de chez nous pendant une semaine ou dix jours. À d’autres moments, nous n’avions que quelques heures pour aller acheter tout ce dont nous avions besoin avant que le couvre-feu ne reprenne pour plusieurs jours.
Après un mois de couvre-feu, des hommes armés ont commencé à envahir des maisons et les bombardements se sont intensifiés. Un jour, l’immeuble à côté du nôtre a été totalement détruit. Nous étions si proches que nous avons été blessés par des gravats. Nous ne pouvions rester dans de telles circonstances. Avec ma femme et nos jeunes enfants, nous avons fui en janvier 2013. Pour que notre départ n’attire pas l’attention, nous n’avons pris que l’essentiel avec nous : nos diplômes et des vêtements de rechange.
« En Jordanie, on ne subit plus la guerre mais notre vie n’est plus la même. »
Comme nous, la grande majorité de la classe moyenne a quitté le pays. Je suis conscient que le manque de médecins qui en a résulté ne fait qu’augmenter le nombre de victimes de la guerre, mais retourner en Syrie n’est pas envisageable au vu de la situation actuelle.
C’est l’inconnu là-bas. Je ne sais même pas si notre immeuble est encore intact ou s’il a été détruit. Mon travail me manque beaucoup, tout comme mes amis et mes collègues avec qui je sortais tous les jours.
En Jordanie, on ne subit plus la guerre mais notre vie n’est plus la même.
L'action de CARE
CARE et ses partenaires locaux ont fourni une aide humanitaire à plus de 2,5 millions de personnes en Syrie et dans les pays voisins.
Ce texte a été publié par le Journal du Dimanche