Plus de 300 000 Syriens ont été renvoyés en Syrie depuis les pays voisins au cours des derniers mois. Des centaines de milliers d’autres font face au même risque, selon un rapport publié aujourd’hui par Action contre la Faim, Danish Refugee Council (DRC), CARE, International Rescue Committee (IRC), Norwegian Refugee Council (NRC) et Save the Children. Les six ONG dénoncent un contexte mondial d'hostilité aux réfugiés. 

Pour chaque Syrien retourné chez lui en 2017, on compte trois nouveaux déplacés par les violences.

La situation en Syrie demeure instable et dangereuse. En témoignent les récentes escalades de violences à Idlib et dans l'est de Ghouta. Pour chaque Syrien retourné chez lui en 2017, on compte trois nouveaux déplacés.

Si le nombre de Syriens qui sont retournés chez eux a augmenté (560 000 à 721 000) en 2017, ce chiffre concerne en majorité des déplacés internes. En parallèle 2,4 millions de Syriens ont fui leur maison au cours des neuf premiers mois de 2017, soit plus de 8 000 personnes par jour. Car si les violences ont diminué dans certaines régions, elles ont en revanche augmenté dans d'autres : des centaines de civils ont été tués ou blessés au cours de l’année passée. Les bombardements aériens, les tirs de mortiers ainsi que les mines sont des dangers au quotidien. Et la situation risque de s’empirer en 2018 : l'ONU estime que près de 1,5 million de personnes supplémentaires seront déplacées par les combats.

« La majorité des Syriens, réfugiés ou déplacés, espèrent pouvoir retourner chez eux, un jour. Mais la communauté internationale ne doit pas forcer ces décisions, et qui plus est de manière précipitée, sans l'assurance d'une solution politique et sécuritaire et sans les prémisses d’une reconstruction durable. Or, à l’heure actuelle, les attaques visant les civils dans les hôpitaux et les écoles se poursuivent, même dans les zones dites de désescalade », alerte Joelle Bassoul, porte-parole de CARE sur la crise syrienne.

La reconstruction des infrastructures détruites en Syrie sera fastidieuse et coûteuse, souligne également le rapport Dangerous Ground publié par les six ONG. Près de la moitié des personnes déplacées dans le sud de la Syrie, interrogées par l’ONG NRC, ont déclaré que leur maison avait été sévèrement endommagée ou détruite. Ce chiffre passe à quatre personnes sur cinq dans le nord-ouest de la Syrie. De même, la moitié des établissements de santé ont été détruits ou ne fonctionnent plus. 

Les ONG dénoncent le non-respect des engagements en faveur des réfugiés

La détérioration des conditions de vie des réfugiés dans les pays voisins de la Syrie ainsi que le faible nombre de réinstallations dans les pays développés pourraient forcer de nombreux Syriens à emprunter des itinéraires dangereux pour rejoindre des pays tiers ou à prendre le risque de retourner en Syrie. La fermeture des frontières en Europe, aux États-Unis et dans les pays voisins de la Syrie, ainsi que la prise de mesures en faveur de renvois forcés - ou les discussions ouvertes sur ce sujet – mettent également de nombreuses vies en danger.

Les six ONG appellent la communauté internationale à renforcer l’action en faveur des réfugiés. Il faut soutenir la Jordanie, le Liban et la Turquie, qui accueillent la majorité des réfugiés syriens. Ces pays ont fait preuve d’une grande générosité au début de la crise, mais le manque de volonté politique des pays développés a instauré l’idée que la fermeture des frontières et le retour des réfugiés étaient légitimes. A ce jour, seulement 3 % des réfugiés syriens ont trouvé refuge dans les pays développés.

Les pays développés n'ont pas respecté les engagements pris lors des conférences de Londres en 2016 et de Bruxelles en 2017. Ainsi, le nombre de demandes de réinstallation des réfugiés syriens dans les pays riches a été divisé par deux entre 2016 et 2017. Les mesures prises par l'administration américaine pour plafonner le nombre de réinstallations et en exclure les réfugiés syriens expliquent en grande partie cette baisse des demandes. Malheureusement, les autres pays ont échoué à prendre le relais sur cette question. Les responsables politiques européens, comme au Danemark et en Allemagne, discutent actuellement de l'expulsion des réfugiés vers la Syrie.

« Il est vital que les réfugiés syriens ainsi que les communautés d'accueil vulnérables dans les pays voisins ne soient pas oubliés. Seul le respect des engagements faits par les États garantira la protection des réfugiés et le respect de leurs droits, ainsi que la continuité des services de base pour les communautés hôtes. Cela doit en être ainsi dans un esprit de partage des responsabilités, jusqu'à ce que le retour volontaire en Syrie soit possible, dans la dignité et un environnement sûr », déclare Jean-Raphaël Poitou, responsable plaidoyer Moyen-Orient pour Action contre la Faim.

Contacts médias :

Des porte-paroles sont disponibles pour des interviews. Contactez Camille Nozières, CARE France : 07 86 00 42 75, nozieres@carefrance.org

Notes aux rédactions

  • Des vidéos et photos peuvent être utilisées librement par les médias.
  • Pour lire le rapport Dangerous Ground. 
  • Entre janvier et octobre 2017, environ 250 000 personnes ont été renvoyées de force en Syrie depuis la frontière turque et près de 35 000 Syriens sont restés coincés à la frontière avec la Jordanie, dans le froid et sans aucune assistance. Au début de l'année 2017, les autorités jordaniennes auraient déporté environ 400 réfugiés par mois, séparant des familles. Au Liban, on estime que jusqu'à 10 000 réfugiés ont été renvoyés en Syrie par bus, mais il est impossible de déterminer si ces retours étaient « volontaires » ou « forcés ».