Elizabeth est travailleuse domestique. Maison après maison, elle a subi des années d’agressions sexuelles. Aujourd’hui, malgré le manque de protection légale, elle a décidé de dénoncer ces violences qui frappent 8 travailleuses domestiques sur 10 en Amérique latine. 

Une histoire faite d'agressions sexuelles

Assise au pied de son lit, on peut sentir l’émotion dans sa voix. Nerveuse, elle joue avec son mouchoir ou serre ses mains entre ses genoux crispés. Elizabeth, aujourd’hui 52 ans, nous raconte son histoire faite d’agressions sexuelles :

« À 14 ans, j’ai fui ma maison et mon oncle qui me violait. J’ai trouvé un emploi comme travailleuse domestique. Le père et le fils de la famille abusaient de moi. 

Lorsque j’en ai parlé à ma tante, elle ne m’a pas cru. Elle disait que j’étais paresseuse et que je faisais mon intéressante pour ne pas avoir à travailler. 

Maison après maison, famille après famille, les agressions sexuelles me poursuivaient comme mon ombre. 

L'ONG CARE lutte pour les droits des femmes à travers le monde.
©CARE l Elizabeth, travailleuse domestique équatorienne

Dans la famille suivante, la femme dispensait des cours du soir. C’est le moment que choisissait le mari pour s’introduire dans ma chambre et me forcer à avoir des rapports sexuels avec lui. J’ai tenu six mois. Dans un autre foyer, je travaillais de 6 h à 20 h. Nettoyage, lessive, cuisine… La femme était gentille avec moi. Le mari, lui, est tombé amoureux de moi. Je n'avais que 16 ans. Il en avait 50. Il était jaloux. Il contrôlait tous les appels que je recevais. Il ne voulait pas que je rende visite à ma grand-mère. ». 

Les premiers pas de l'Équateur en faveur des travailleuses et travailleurs domestiques

Aujourd’hui, Elizabeth dénonce les agissements de ses employeurs. L’Équateur compte près de 300 000 travailleuses domestiques. La plupart d’entre elles sont exploitées et abusées

En 2013, l’Équateur a ratifié la convention n°189 de l’OIT, qui fixe des normes dans le cadre du travail domestique — salaire minimum, journée de 8 heures, sécurité sociale — mais ne prévoit aucune protection contre les violences sexuelles qu’a subi Elizabeth pendant plusieurs dizaines d’années. Comme elle, beaucoup de travailleuses domestiques commencent à travailler alors qu’elles ne sont que des enfants. Elles ne peuvent généralement faire confiance à personne, et personne ne se fie à elles. 

Lorsqu’elles trouvent le courage de dénoncer leurs agressions, elles peinent à trouver des personnes à qui se confier et susceptibles de les prendre au sérieux.

« Isolée, rejetée et forcée à mûrir trop tôt, j’avais 20 ans quand j’ai cherché à sortir de cette spirale. Seule, je me suis installée dans la capitale économique du pays. Je me suis occupée d'autres familles, mais j’étais exploitée. Ce n'est qu'il y a sept ans qu'elle apprend l'existence du salaire minimum. La plupart des employeurs nous disent : « Tu gagnes ce que tu mérites. ».

Une autre employée de maison m’a fait connaitre une association de femmes travailleuses domestiques. Ce groupe s'est battu pour des contrats de travail, des conditions de travail décentes et d'autres types de protections sociales auxquelles je n'avais jamais eu droit auparavant. Pour la toute première fois, j’entends parler de l'assurance maladie, ainsi que de la rémunération des heures supplémentaires et d'autres avantages comme le congé de maternité et la protection sociale. ». 

CARE soutient le syndicat national de travailleuses et travailleurs domestiques

Cette association est devenue un syndicat national de travailleuses et de travailleurs domestiques aujourd’hui présent dans tout le pays et soutenu par CARE. Ce groupe constitue bien plus qu’un simple moyen de dénoncer l’absence de protection légale. Il soude et rend plus fortes des femmes pouvant partager leurs expériences, et souhaitant toutes que leur travail soit reconnu et valorisé.

« C’est bien mieux de se battre aux côtés d’autres femmes, car lorsque nous sommes ensemble, les gens nous écoutent. 

Aujourd’hui, j’ai une petite maison remplie d’enfants et de petits-enfants. Nous n’avons pas beaucoup d’argent et je travaille dur mais je suis heureuse. Je travaille de 8 ou 9 heures du matin à 16h30. Mon employeur est aimable et m’accorde même quelques jours de vacances par an. 

Tout ce que je demande, c'est de rester en bonne santé pour que je puisse continuer à me battre pour mes enfants. Je veux les protéger des atrocités que j’ai endurées à leur âge. C’est important d’oser parler. Si nous restons muettes, la situation n’évoluera pas, et les agressions ne cesseront jamais. ». 

Rejoignez notre mobilisation mondiale : Au boulot #ViolenceZero !

Près d'une femme sur deux a été victime de violence ou de harcèlement sexuel sur son lieu de travail, dans le monde. CARE lance une pétition mondiale pour demander aux gouvernements, qui se réuniront le 28 mai, d’adopter la toute première convention internationale contre les violences et le harcèlement au travail. Votre voix a le pouvoir de changer les choses. Utilisez-la !