Les représentants de sept ONG, dont CARE, demandent à l'Union européennes un cap et des actions concrètes en faveur du climat.
5 ans c'est le temps que nous avons pour respecter l'accord de Paris
Le message envoyé par les citoyens européens le 26 mai dernier est très clair : les dirigeants européens doivent tout faire pour répondre aux crises écologiques, sociales et politiques qui touchent l’Europe. Au lendemain des éléctions, qui ont vu les forces écologistes afficher une progression sans précédent, ils doivent ouvrir le chantier de la réorientation du projet européen vers une société plus juste et résolument engagée dans la transition écologique. À l’heure du grand jeu des coalitions et des nominations à la tête des institutions, a lieu un débat plus fondamental encore : quel sera le plan de travail de l’Union européenne pour les 5 prochaines années? Quelles seront les législations clefs de cette mandature? Quelles seront les priorités du projet européen?
Or, 5 ans c’est le temps que nous avons pour enclencher, secteur par secteur, la réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, si on veut être dans les clous de l’accord de Paris sur le climat. Lors du Sommet européen des 20 et 21 juin prochains, les Chefs d’États et de gouvernements auront donc un choix simple sur la table : maintenir un statu quo dangereux pour la planète, pour le projet européen et pour les citoyens européens, ou placer la lutte contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité au coeur de leurs actions.
La France a une responsabilité particulière dans ce débat
La France et Emmanuel Macron ont une responsabilité particulière dans ce débat. Alors qu’Angela Merkel est affaiblie et que les gouvernements d’Europe centrale et orientale craignent de subir cette transition plutôt que d’en bénéficier, Emmanuel Macron doit susciter un consensus européen, non seulement autour d’une stratégie climatique européenne permettant d’atteindre la neutralité en gaz à effet de serre d’ici à 2050, mais aussi sur des actions de court-terme pour réduire nos émissions d’au moins -65% d’ici à 2030 (-57% de réduction sans compter l’absorption par les puits de carbone naturels que sont les océans et les forêts).
Cela implique de réorienter tous les financements européens et nationaux qui vont actuellement aux énergies fossiles (en particulier charbon, gaz et pétrole), dont ceux de la Banque européenne d’investissement, vers des mesures de sobriété, notamment le soutien à la rénovation des logements, le développement des énergies renouvelables, les modes de transports les moins polluants, ainsi que les nécessaires reconversions professionnelles. Autres chantiers : la reconversion de l’industrie automobile pour planifier la fin de vente des véhicules essence et diesel neufs d’ici 2030, le conditionnement des accords de libre-échange au respect des objectifs pris dans le cadre de l’accord de Paris et autres accords multilatéraux environnementaux, ou encore une solidarité accrue de l’Europe envers les pays du Sud qui subissent déjà de plein fouet les impacts du changement climatique. Autant de batailles qui demandent de la volonté, de la capacité à fédérer et de la crédibilité.
A l'échelle nationale E.Macron est loin d'être exemplaire
La volonté européenne qui apparaît dans les mots du Président de la République, discours après discours, doit s’incarner dans l’action. Emmanuel Macron devrait tout faire pour rallier un à un les États européens à une rehausse des objectifs climatiques européens, afin de se conformer à l’objectif de limiter l’augmentation des températures à 1,5°C. Pour cela, la France doit être prête à contribuer davantage au budget européen pour soutenir les régions d’Europe les plus dépendantes aux énergies fossiles, amortir les chocs pour l’emploi et pour accélérer la révolution industrielle écologique sur notre continent. Cette enveloppe de près de 1.200 milliards d’euros pour 2021-2027 devrait être le pont entre l’Est et l’Ouest de l’Europe sur le climat afin que la transition bénéficie réellement à tous les Européens. Les Etats les plus réticents face à la transition écologique ont besoin des garanties qu’ils ne seront pas seuls pour relever ces défis. Emmanuel Macron doit porter cette solidarité européenne sur le climat lors du Sommet des 20 et 21 juin prochains.
Enfin, la crédibilité de son engagement pour le climat en Europe dépendra de sa sincérité en France. Or à l’échelle nationale, que ce soit à travers la Loi Mobilités ou la Loi Énergie-Climat, Emmanuel Macron est loin d’être exemplaire. On note ainsi des reculs sur la fermeture des centrales nucléaires, la faiblesse des mesures de soutien à l’essor des mobilités alternatives au'tout routier', l’annonce de la ratification du CETA, un manque d’actions pour lutter contre la précarité énergétique qui touche 12 millions de nos concitoyens, sans compter les 11 milliards de subventions publiques accordées aux énergies fossiles cette année. L’image de leader sur le climat d’Emmanuel Macron commence à se fissurer en Europe. Pour transformer l’essai au niveau européen, il serait également temps de jouer à domicile sur le climat.
Le Sommet européen des 20 et 21 juin doit être le premier acte de la réorientation de l’Europe vers un projet plus juste et résolument engagé dans la transition écologique. Compte tenu de sa volonté affichée sur la scène internationale, le Président de la République doit s’engager pleinement dans cette bataille.
Signataires
Isabelle Autissier, Présidente du WWF France, Michel Dubromel, Président de France Nature Environnement, Cécile Duflot, Directrice Générale d’Oxfam France, Jean-François Julliard, Directeur Général de Greenpeace, Bruno Léchevin, Délégué Général du Pacte Finance-Climat, Philippe Lévêque, Directeur Général de CARE France, Philippe Quirion, Président du Réseau Action Climat.
Cette tribune a été publiée dans le JDD