De la Zambie au Guatemala, des Philippines au Vanuatu : le changement climatique déclenche des crises humanitaires ou aggrave celles qui existent déjà. Au cours des 50 dernières années, une catastrophe liée à un risque météorologique, climatique ou hydrique s’est produite en moyenne chaque jour – tuant 115 personnes et causant 202 millions de dollars de pertes par jour, selon un récent rapport de l’Organisation Météorologique Mondiale. 

Les changements climatiques multiplient les risques d’insécurité alimentaire et de pénuries d’eau, et mettent en péril les progrès réalisés en matière de développement. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) vient tout juste d’annoncer que les 3 prochaines années sont cruciales pour garder une planète vivable, notamment en atteignant un pic d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025. Face à l’urgence climatique qui touche sévèrement plus de 3 milliards de personnes à travers le monde, le secteur humanitaire a décidé de se mobiliser et d’adapter ses pratiques. 

Les ONG se mettent au vert

Au cours des deux dernières années, un nombre croissant d’organisations humanitaires s’est en effet engagé à davantage prendre en compte les enjeux climatiques et environnementaux dans leur réponse aux besoins humanitaires. 225 organisations ont ainsi signé la Charte sur le climat et l’environnement pour les organisations humanitaires[1], lancée en mai 2021 par le mouvement de la Croix Rouge. 10 ONG françaises ont également adopté en décembre 2020 une Déclaration d’engagement des organisations humanitaires sur le climat[2]. L’objectif ? D’une part, mieux intégrer les risques climatiques dans les projets humanitaires en mettant l’accent sur une meilleure préparation des populations et une action précoce ; de l’autre, s’assurer que les activités réalisées par les ONG nuisent le moins possible à l’environnement (émissions de gaz à effet de serre, déchets et pollutions, consommation importante de ressources naturelles). 

 

Seul, on va plus vite, ensemble on va plus loin

 Or ces efforts nécessitent d’être soutenus et financés par les bailleurs de fonds. Le 21 mars 2022, la France a annoncé l’adoption par les 27 Etats-membres de l’Union européenne de la Déclaration des bailleurs de l’aide humanitaire sur le climat et l’environnement[3]. Cette déclaration, qui a fait l’objet d’une consultation avec les ONG, constitue une première étape importante, et doit maintenant se traduire par des actions concrètes dans trois domaines : 

Nous demandons aux gouvernements d’augmenter les financements pour soutenir les actions de prévention, préparation, anticipation et réponse aux catastrophes. Pourquoi ? Parce que toujours selon l’OMM, si le nombre de catastrophes a été multiplié par cinq en 50 ans, sous l’effet du changement climatique et des événements météorologiques extrêmes, le nombre de décès a presque été diminué par trois grâce à l’amélioration des systèmes d’alerte précoce et des mesures de gestion des catastrophes. Chaque dollar américain investi dans la réduction et la prévention des risques peut permettre d’économiser jusqu’à 15 dollars américains en réponse post-catastrophes[4]. Ces investissements doivent non seulement augmenter en volume mais aussi contribuer à valoriser les savoirs et capacités des acteurs et actrices impliqué.e.s à l’échelle locale et nationale, à renforcer en priorité la résilience des personnes les plus vulnérables et marginalisées, en particulier les femmes, les personnes en situation de handicap et les enfants. Il est temps de démontrer que, à l’image de l’ambition collective et de la rapidité de la réponse à la crise de la Covid-19 et à la crise ukrainienne, les Etats peuvent aussi coopérer efficacement face à une urgence qui touche sévèrement déjà plus de 3 milliards de personnes : l’urgence climatique.  

Nous demandons aux gouvernements de soutenir, techniquement et financièrement, la démarche de réduction de l’empreinte environnementale adoptée par un nombre croissant d’organisations humanitaires soucieuses d’appliquer le « do no harm » à l’environnement tout en répondant promptement aux besoins humanitaires des populations. En effet, cette transition requiert des ressources additionnelles, que ce soit au niveau financier, ressources humaines et temps de travail. Il s’agit de développer et mettre en œuvre des projets plus longs que les réponses humanitaires classiques, de travailler avec des fournisseurs de biens et de services plus coûteux mais respectant des normes environnementales plus élevées et d’ajuster notre mode de fonctionnement, et de renforcer une expertise technique au sein de nos organisations pour intégrer cette dimension tout au long du cycle de projet. 

Enfin, nous invitons la Commission européenne à mettre en place un mécanisme de redevabilité pour suivre la déclinaison concrète des engagements pris par les bailleurs, à travers un reporting public annuel et l’organisation d’une session annuelle d’échange. La Commission Européenne pourrait, en collaboration avec l’Etat-membre en charge de la présidence du Conseil de l’Union européenne (UE), piloter l’organisation d’une telle session par exemple lors des prochains Forums Humanitaires Européens afin que les signataires de la déclaration des bailleurs partagent les progrès réalisés, identifient les moyens de surmonter les obstacles rencontrés et renforcent leur collaboration en la matière. Il serait tout à fait souhaitable que les organisations de la société civile soient pleinement associées à ces échanges. 

A travers cette initiative des bailleurs, la France, qui assure la présidence du Conseil de l’UE de janvier à juin 2022, positionne l’UE comme moteur de cette mobilisation. Il faut maintenant transformer l’essai et enjoindre d’autres gouvernements à rejoindre le mouvement. Il est temps de prouver au GIEC que le monde humanitaire (ONG internationales, associations locales, bailleurs de fonds, agences onusiennes..) ne se contente pas de lire les rapports scientifiques sur le climat, mais est déterminé à adapter ses pratiques et agir en conséquence. 


 

Signataires : Action contre la faim ; CARE France ; Coordination SUD  Electriciens sans frontières  ; Fédération Handicap International – Humanité & Inclusion  ; Groupe URD  ; Medair France  ; Médecins du Monde France  ; Oxfam France  ; Secours Islamique France  ; Solidarités International  

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