Dans les pays du Sud, les femmes sont victimes d’une double injustice : elles sont plus durement affectées par le changement climatique et elles souffrent de graves inégalités de genres qui les empêchent de s’adapter à ces mêmes dérèglements climatiques. Fanny Petitbon, notre experte climat, décrypte cette situation et nous raconte l’action de CARE pour y remédier. 

Dans de nombreux pays du monde, les femmes sont les premières victimes du changement climatique.
©Johanna Mitscherlich/CARE

Pourquoi les femmes sont-elles particulièrement vulnérables aux catastrophes naturelles ?

Lors d’une catastrophe naturelle, les femmes et les enfants ont plus de risque de mourir ou d’être blessées que les hommes. Pourquoi ? Parce que les femmes n’ont souvent pas accès aux moyens d’informations et ne sont pas prévenues du risque de catastrophe ; parce que dans de nombreux contextes elles n’ont pas le droit de sortir de chez elles sans l’autorisation d’un homme et sont donc prises au piège ; parce que beaucoup ne savent pas nager et se noient lors d’inondations.

Toutes les discriminations dont les filles et les femmes sont victimes au quotidien ne fait qu’accentuer leur vulnérabilité aux chocs climatiques. Cela se manifeste lors des catastrophes mais aussi dans leur vie de tous les jours. 

Comment le changement climatique impacte-t-il le quotidien des femmes ?

Depuis 2015, le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde augmente de nouveau. En cause ? Les changements climatiques qui entraînent des sécheresses et des inondations de moins en moins prévisibles et portent un coup dur aux récoltes agricoles. Or, lorsque la nourriture vient à manquer, les femmes se privent en premier. Leur santé et leur vie sont alors mises en danger.

De manière plus globale, le changement climatique constitue aussi une surcharge de travail pour les filles et les femmes. Lorsque les ressources naturelles se raréfient, les femmes doivent parcourir des distances plus longues pour trouver de l’eau ou du bois pour cuisiner. Par exemple, lors de la sécheresse qui a frappé le Somaliland en 2017, nos équipes sont venues en aide à une femme dont la fille de 15 ans devait parcourir 7 heures par jour pour trouver de l’eau. 7 heures… Autant de temps que cette jeune fille aurait pu consacrer à son éducation. Autant de temps qu’une femme pourrait consacrer à une activité génératrice de revenus et aux instances de décision de son village trop souvent réservées aux hommes.  

Les femmes font donc face à une incroyable surcharge de travail à cause du changement climatique...

Oui, d’autant plus que dans les régions les plus touchées par le changement climatique, beaucoup d’hommes migrent dans les villes ou dans d’autres régions afin de trouver un emploi. Les femmes sont alors seules en charge de leur famille avec plus de responsabilités et de tâches. Et seules, elles sont aussi plus vulnérables aux risques de violences. 

Les femmes disposent-elles de ressources pour s’adapter aux impacts du changement climatique ?

On parle d’injustice climatique parce que les plus affectés sont les personnes les moins responsables du changement climatique et ayant le moins de moyens pour s’adapter, c’est à dire les populations des pays du Sud. Parmi elles, les femmes sont au premier rang.

Prenons l’exemple des femmes agricultrices. Sécheresses, désertification, inondations sont autant de menaces pour l’agriculture où les femmes jouent un rôle primordial. Ce sont elles qui produisent jusqu’à 80 % de l’alimentation dans certains pays d’Afrique ou d’Asie. Et pourtant trop souvent, les femmes cultivent des parcelles de terre plus petites que les hommes ou ne disposent pas de titres de propriété… Trop souvent, elles ne disposent pas des mêmes moyens financiers que les hommes, ou du fait de lois sexistes, n’ont pas le droit d’obtenir des crédits… Trop souvent, la voix des femmes n’est pas entendue… 

Les femmes ne disposent tout simplement pas des opportunités, des moyens ou des ressources pour se former à de nouvelles méthodes d’agroécologie ou pour diversifier leurs cultures.  

Pourtant les femmes ont un rôle à jouer.

Le défi de la lutte contre le changement climatique est tel qu’on n’y arrivera pas en excluant la moitié de la population mondiale. Les initiatives des femmes sont nombreuses et elles s’imposent comme des actrices incontournables de l’action pour le climat : en plantant des mangroves pour faire ralentir la montée du niveau des mers, en développant des méthodes agricoles plus respectueuses de l’environnement... 

Alors comment leur donner une place et une chance de pouvoir faire face au changement climatique ?

Il faut s’attaquer aux causes profondes des inégalités femmes-hommes. Par exemple, dans les projets que CARE met en œuvre sur le terrain, les femmes participent à toutes les étapes aux côtés des hommes : nous leur donnons la parole pour savoir quels sont les impacts concrets des dérèglements climatiques sur leur quotidien, leur donnons les clés pour déchiffrer les prévisions climatiques données par les instituts météorologiques, puis nous assurons qu’elles sont partie prenante du choix et de la mise en œuvre de solutions.

En Inde, par exemple, nous soutenons des communautés agricoles de la région de Chhattisgarh où les précipitations ont baissé de 10 à 15% en l’espace d’un demi-siècle. Nous avons constitué des comités de développement composés de femmes et d’hommes et apportons une aide technique aux agriculteurs et agricultrices. L’une d’entre elles, Sunita dont le mari avait migré à cause de la sécheresse, a ainsi pu adopter de meilleures pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et plus productives. Sa récolte a doublé, son mari est revenu et c’est toute sa famille qui a pu s’adapter aux impacts du changement climatique.  

Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. 

Kézako : l’injustice climatique

Le changement climatique est l’une des plus grandes injustices de notre époque. 50 % des émissions mondiales sont imputables aux 10 % des habitants de la planète les plus riches. La moitié la plus pauvre de la population mondiale est responsable de seulement 10 % des émissions de CO2 mondiales. Pourtant, elle vit en grande majorité dans les pays les plus vulnérables au changement climatique.  

C’est pourquoi, pour CARE la lutte contre l’extrême pauvreté et la lutte contre le changement climatique vont de pair.