L’alphabétisation des femmes et des jeunes femmes demeure un défi planétaire. Plus de 500 millions de femmes sont illettrées. Pourtant, l’éducation est un des outils les plus puissants pour changer le monde et combattre la pauvreté. Philippe Lévêque, directeur de CARE France, explique pourquoi. 

L'association CARE mène des programmes d'alphabétisation
© CARE / Josh Estey

L’illettrisme touche plus les femmes que les hommes. Pour quelles raisons ?

Dans le monde, les femmes sont les premières affectées par les discriminations et l’illettrisme. Les deux tiers des 758 millions de personnes illettrées à travers le monde sont des femmes. 76 millions de ces femmes ont moins de 25 ans.

Beaucoup de filles n’ont pas la chance d’aller à l’école ou de terminer leur scolarité. Plusieurs raisons à cela : au sein de la famille déjà, les filles doivent assumer une part importante des travaux ménagers, elles y consacrent 40 % plus de temps que les garçons. C’est lié à leur statut social : dans de nombreuses parties du monde, la norme considère que seuls les hommes doivent bénéficier d’une éducation, car ce sont eux qui font vivre la famille. Surtout qu’avec les mariages précoces, la fille quitte sa famille pour celle de son mari. Et la pauvreté est aussi un élément crucial : s’ils sont pauvres, les parents n'auront pas le moyens de dépenser pour la scolarisation des filles. 

Malheureusement, il existe peu de programmes en faveur des jeunes femmes illettrées de 15 à 24 ans, celles qui sont sorties du système. Elles sont les grandes oubliées des actions d’éducation.

Pourtant l’illettrisme affecte tous les aspects de la vie de ces jeunes femmes ?

Ces millions de jeunes femmes ne maîtrisent pas les bases de la lecture et de l’écriture dans le monde. Souvent dissimulé, ce handicap les place dans une situation d’exclusion et de dépendance avec des conséquences lourdes pour elles et leur entourage.

C’est une grave injustice. Alors que la pauvreté recule dans le monde, l’illettrisme des femmes reste stable, accentuant les inégalités sexuées. Pourtant, c’est le destin de ces jeunes femmes qui est en jeu : l’éducation ouvre la porte de l’autonomie sociale et financière, tout en renforçant la confiance en soi.

Comment les aider ?

Dans nos programmes d’alphabétisation fonctionnelle, nous transmettons les connaissances pratiques les plus utiles au quotidien : lire un titre de propriété ou des conseils médicaux, savoir remplir un formulaire administratif ou maîtriser la règle de trois pour acheter et vendre au marché. C’est aussi l’occasion de revenir sur des fondamentaux de l’éducation sexuelle, par exemple.

Le fil conducteur ? Aider ces femmes à mieux comprendre leur corps et leur environnement et à faire valoir leurs droits.

L’alphabétisation est donc un facteur essentiel pour défendre l’égalité et les droits des femmes ?

L’accès à l’éducation est un droit fondamental qui renforce la liberté individuelle des femmes et les aide à combattre les discriminations dont elles sont victimes. Alphabétisées, ces jeunes femmes peuvent développer leurs talents et leurs compétences, construire ou renforcer leur indépendance économique. Apprendre à lire et à écrire la langue officielle d’un pays quand on parle un dialecte, c’est aussi la possibilité d’avoir connaissance de ses droits et de les défendre…

Et il faut voir plus loin. L’éducation des femmes est aussi un atout pour leur famille : un enfant, dont la mère sait lire, a 50% de chances supplémentaires de survivre après l'âge de cinq ans. L’alphabétisation change la vie et en sauve, par millions ! Au final, c’est toute leur communauté qui en bénéficie : le revenu par habitant pourrait augmenter de 23% au cours des 40 prochaines années dans les pays où tous les enfants iraient à l'école et où les femmes auraient le même accès à l’éducation que les hommes. L’éducation est donc le premier pas pour lutter contre la pauvreté ainsi que contre les inégalités.