« Cette COP a échoué à progresser sur ses trois chantiers principaux : les financements climatiques, la sortie des énergies fossiles et la protection des forêts tropicales. Cependant, la pression continue exercée par la société civile a permis de contribuer à maintenir et renforcer certains progrès clés dans les négociations — notamment sur l’adaptation, le genre et la participation — et d’empêcher un recul sur certains points clés dans un contexte global très contraint« , nous explique Mathilde Henry, responsable plaidoyer de CARE France qui a participé à la COP30.
Adaptation et financements : un signal politique mais des engagements flous
Lors de la COP30, les États ont convenu d’un objectif de tripler le financement de l’adaptation climatique par rapport au niveau de référence de 2025 : c’est le ‘Belém Package’, issu du travail de long court des négociateurs et des équipes expertes de CARE sur les textes proposant des indicateurs et objectifs pour l’adaptation. C’est la première architecture complète du Global Goal on Adaptation, saluée par de nombreux organismes comme une avancée essentielle pour rendre l’adaptation mesurable et suivie. Cependant, aucun calendrier, aucun mécanisme de suivi et aucun engagement politique ferme n’ont été définis, faisant de cette déclaration une vague promesse non contraignante :
« Sans financements publics, prévisibles et accessibles, l’adaptation restera insuffisante et les inégalités s’aggraveront, en particulier pour les femmes et les filles. L’Union européenne a joué un rôle central dans ce blocage. En refusant de garantir le financement promis par le passé, elle a miné la confiance et empêché la création d’une alliance de pays ambitieux nécessaire pour élever le niveau d’ambition. » — Marlene Achoki, responsable plaidoyer pour la justice climatique chez CARE International, et John Nordbo, conseiller senior sur le climat chez CARE au Danemark.
CARE rappelle qu’un mécanisme de redevabilité, assorti d’échéances intermédiaires d’ici 2027, est indispensable pour restaurer la confiance et garantir une montée en puissance réelle des financements d’adaptation climatique.
Le Fonds Pertes et Dommages, pourtant crucial pour soutenir les pays les plus exposés aux dommages irréversibles du changement climatique, n’a été doté que de 817 millions de dollars, alors que 500 milliards seraient nécessaires d’ici 2030. « Le maintien d’un modèle reposant sur le volontariat, combiné à la réticence persistante de plusieurs pays du Nord, empêche ce fonds de répondre aux besoins massifs des communautés affectées« , rappelle Mathilde Henry.
Énergies fossiles et transition énergétique : reconnaissance symbolique, pas d’action
À la grande indignation de la société civile, aucune référence aux énergies fossiles n’a été intégrée dans les décisions officielles de la COP30. Cependant, l’alliance mondiale pour la sortie des fossiles — emmenée par un groupe croissant de pays vulnérables, plusieurs États latino-américains et des milliers d’organisations — s’est renforcée et a gagné en visibilité, imposant ce sujet comme incontournable pour les prochaines COP.
« L’absence d’engagement contraignant sur les fossiles et la faiblesse des financements rendent ce résultat insuffisant« , soulignent Marlene Achoki et John Nordbo.
La Colombie et les Pays-Bas accueilleront en 2026 la première Conférence internationale sur la transition juste hors fossiles, un espace stratégique que CARE suivra de près.
Forêts et biodiversité : des mots, pas d’actes
La COP30 a rappelé le rôle essentiel des forêts tropicales pour le climat, la biodiversité et les droits des peuples autochtones, mais cette reconnaissance est restée purement déclarative : aucune décision, aucun objectif chiffré ni aucune feuille de route contraignante pour lutter contre la déforestation n’a été adopté.
« Cette absence est particulièrement préoccupante dans un contexte de pression croissante liée à l’expansion agricole, minière et aux infrastructures en Amazonie et dans les grandes forêts tropicales du monde : la biodiversité et les communautés qui les protègent et dont les existences dépendent de leur sauvegarde sont plus que jamais menacés. Cependant, si aucune feuille de route contraignante n’a été adoptée, la COP30 a confirmé l’importance des peuples autochtones dans la protection des forêts. Leur voix a été plus visible que jamais à Belém, avec une présence massive et un engagement reconnu dans plusieurs documents officiels. » — Mathilde Henry de CARE en France.
« Il n’y a pas de feuille de route juste et équitable pour sortir des énergies fossiles ni pour stopper et inverser la perte des forêts d’ici 2030. » — Mrityunjoy Das de CARE au Bangladesh
Le Tropical Forests Forever Framework (TFFF), initiative présentée comme innovante et prometteuse par la présidence brésilienne, reste en réalité une approche basée sur le volontariat reposant sur un mélange d’investissements publics et privés sans garanties pour les droits fonciers des populations sur leurs terres, ni mécanismes efficaces contre la déforestation.
Belém Gender Action Plan : un progrès symbolique
L’adoption du Belém Gender Action Plan constitue une avancée en matière de reconnaissance des droits et de la santé des femmes, ainsi que de la prévention des violences de genre.
« L’adoption de ce plan sur le genre est un pas important vers une action climatique inclusive et accessible à toutes et tous. Nous saluons la reconnaissance de la santé des femmes et des violences faites aux femmes et aux filles comme des enjeux essentiels à traiter. Cependant, l’absence de référence explicite aux droits humains et le manque de financements directs sont préoccupants. » — Chikondi Chabvuta, Conseiller régional pour l’Afrique australe chez CARE au Malawi, et Kerime van Opijnen, CARE au Pays-Bas.
Malgré des résultats insuffisants, la COP30 a confirmé la montée en puissance des mouvements de femmes, de jeunes, de peuples autochtones et de communautés locales, désormais acteurs centraux de la diplomatie climatique mondiale. Leur présence et leur influence ont permis d’éviter des reculs majeurs et de maintenir l’urgence climatique au cœur des négociations.
CARE appelle à une justice climatique réelle
Malgré les limites de la COP30, CARE réaffirme son engagement :
- soutenir les communautés frappées par les impacts du changement climatique,
- défendre un accès direct aux financements climat,
- promouvoir une adaptation juste et inclusive,
- pousser vers des décisions ambitieuses alignées avec la trajectoire 1,5 °C et les droits humains.
Cette COP souligne l’urgence de renforcer la solidarité internationale, de transformer les engagements en actions concrètes et de garantir que les solutions climatiques bénéficient à celles et ceux qui en ont le plus besoin.
L'action de CARE contre le changement climatique
Parce qu’il est urgent d’agir, les équipes de l’ONG CARE se mobilisent dans plus de 100 pays contre le changement climatique et ses conséquences. Grâce à votre précieux soutien et à plus de 75 ans d’expertise humanitaire :
- CARE soutient des projets de réduction des risques de catastrophes naturelles et climatiques (renforcement des bâtiments, plans d’évacuation, stockage de nourriture…) et fournit une aide humanitaire d’urgence aux populations lorsqu’une catastrophe survient.
- Nous aidons les populations les plus impactées et notamment les agriculteurs et agricultrices à s’adapter face aux dérèglements grâce à des solutions simples comme l’agroécologie.
- Nous luttons pour la préservation ou la restauration de l’environnement.
- Lors des conférences internationales sur le climat, nous soutenons la voix des populations les plus affectées afin que les gouvernements prennent des mesures ambitieuses contre le changement climatique.
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