Près de 656 000 réfugiés syriens vivent en Jordanie dans des conditions très précaires. Cette situation pousse notamment certaines familles, désespérées, à marier leurs jeunes filles. Mohammad Salem, responsable de nos programmes au nord de la Jordanie, explique les efforts des humanitaires pour remédier à ce fléau. 

L'association CARE aide les réfugiés syriens
Mohammad Salem est responsable de nos programmes au nord de la Jordanie. © 2016 / CARE

« Ici, la vie des réfugiés syriens est très dure. »

En Jordanie, la très grande majorité des réfugiés syriens vivent en dehors des camps de réfugiés, dans des petits appartements insalubres ou sous des tentes. Ces abris ne sont pas adaptés aux difficiles conditions météorologiques d’une région désertique. À Mafraq, au nord du pays, les températures chutent en fin de journée et ce, quelle que soit la saison. En hiver, les nuits sont glaciales avec des températures négatives.

Ici, la vie des réfugiés syriens est très dure. Tous regrettent leur pays et ils ont besoin d’aide pour couvrir leurs besoins de base : nourriture, eau, soins de santé, vêtements, loyer. 

Malheureusement, les financements que nous recevons sont bien en-deçà des besoins humanitaires. Qui plus est, il y a ici moins d’ONG que dans d’autres villes jordaniennes. Or, beaucoup de réfugiés n’ont pas les moyens de se rendre à Amman ou Irdbid pour combler ce manque d’aide. 

« En gérant directement leur argent, ils peuvent prioriser leurs besoins. »

Près de 20 000 réfugiés syriens vivent dans la ville de Mafraq, soit cinq Syriens pour un Jordanien. Les ressources ici sont très limitées et il y a très peu d’opportunités économiques. Les réfugiés ont beaucoup de mal à trouver un emploi. D’autant plus que beaucoup d’entre eux sont originaires de la région agricole de Homs et ont un faible niveau d’instruction. 

CARE leur fournit une assistance financière mais, pour certains, c’est la première fois qu’ils entendent parler de banque ou de distributeur automatique. Nous prenons soin de les accompagner dans leurs démarches, car nous savons que les distributions monétaires sont l’un des moyens les plus efficaces d’aider les réfugiés. En gérant directement leur argent, ils peuvent prioriser leurs besoins. 

C’est un meilleur système que les distributions de biens que certains réfugiés sont contraints de revendre pour faire face aux urgences du quotidien. Certains doivent payer leur loyer, d’autres familles ont besoin de soins médicaux. 

« En Jordanie, le pourcentage de mariages de filles réfugiées syriennes a triplé entre 2011 et 2015. »

Et il faut également prendre en compte les impacts positifs indirects : cette aide financière permet aussi de limiter les mariages précoces des jeunes filles. De trop nombreuses familles se résolvent à marier leurs filles quand elles n’ont plus les moyens de prendre soin d’elles. Nous voulons éviter ces situations désespérées. 

En Jordanie, le pourcentage de mariages de filles réfugiées syriennes a triplé entre 2011 et 2015. Ces jeunes filles se retrouvent exposées au viol domestique et aux agressions physiques. Celles qui deviennent mères bien trop jeunes risquent leur vie : la grossesse et l'accouchement sont la deuxième cause de mortalité chez les filles âgées de 15 à 19 ans dans le monde.

A 14 ans, elle a déjà reçu plusieurs propositions de mariage.

Il y a quelques semaines, j’ai rencontré une famille dont la mère est très malade et le père porté disparu en Syrie. Cette famille de six personnes dépend entièrement du fils de 18 ans qui travaille dans un restaurant. C’est une énorme responsabilité pour ce jeune homme. Il gagne 250JD (330€) par mois dont les trois-quarts sont dédiés à payer le loyer. 

L’aînée des filles, âgée de 14 ans, est une adolescente très timide mais dont les yeux pétillent quand elle sourit. C’est elle qui s’est rendue dans nos bureaux pour demander que nous aidions sa famille. Depuis trois ans, elle ne va plus à l’école et prend soin de sa mère toute la journée. 

Elle a déjà reçu plusieurs propositions de mariage. Jusqu’à présent, sa famille les a toutes refusées mais leur situation est de plus en plus difficile. Ils se sont fortement endettés pour pouvoir acheter de quoi manger et des médicaments. La mère est consciente que sa fille est trop jeune pour être mariée, mais elle craint de n’avoir aucune autre alternative si leur exil se prolonge. 

Il faut prévenir les mariages forcés !

Il est essentiel que les États et les ONG continuent d’aider les familles syriennes et renforcent leurs efforts en matière de prévention des mariages forcés. L'expérience de nos équipes sur le terrain a en effet démontré que la mise en place d'actions de sensibilisation permet aux parents de mieux comprendre les risques d'un mariage précoce et donc d’y renoncer.

En tant qu’humanitaires, notre travail est aussi de préserver l’enfance et l’avenir des jeunes filles réfugiées syriennes.

L'action de CARE

L’ONG CARE et ses partenaires ont fourni une aide humanitaire à plus de 2,5 million de personnes en Syrie et dans les pays voisins.