Travailleuse domestique, un emploi trop souvent à risque
Entre 11 et 18 millions de personnes sont employées comme domestiques rémunérées en Amérique latine et dans les Caraïbes, dont la quasi-totalité de femmes (1). Et ces femmes sont très souvent enfermées dans des situations de vulnérabilité.
« Avant, tout était incertain. Nous étions exploitées, dévalorisées. Nous avons beaucoup souffert et subi diverses formes de harcèlement. Nous ne connaissions pas les lois, ni nos droits, donc nous acceptions ce que les employeurs nous disaient. Nous n’avions pas d’heures de repos, pas de congés payés, pas d’avantages légaux », témoigne Leandra, travailleuse domestique au Brésil.
L’emploi domestique est l’une des rares alternatives d’emploi vers laquelle les femmes qui n’ont pas pu finir leur scolarité, ou qui n’ont pas eu accès à la formation professionnelle, peuvent s’orienter. Mais cet emploi est souvent précaire et très rarement déclaré : plus de 77% des travailleuses domestiques d’Amérique latine et des Caraïbes l’exercent de façon informelle (2). Elles se trouvent alors enfermées dans une situation de vulnérabilité, à laquelle peuvent s’ajouter des violences sexuelles de la part de leur employeur dont elles ont du mal à sortir car bien souvent, elles vivent directement sur leur lieu de travail.
Mais cette situation est en train de changer. Un soulèvement a lieu dans toute l’Amérique latine, où les travailleuses domestiques se rassemblent pour lutter et faire respecter leurs droits. Au Mexique, en Équateur, en Colombie, en Honduras et au Brésil ainsi qu’au niveau de toute la région, l’ONG CARE et la CONLACTRAHO* soutiennent les travailleuses domestiques dans cette lutte.
* La CONLACTRAHO est la Confédération de l'Amérique Latine et des Caraïbes des travailleuses domestiques. Elle est présente dans 16 pays : Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Equateur, El Salvador, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou et République Dominicaine.
Outil de lutte n°1 : des formations sur les droits des travailleuses domestiques
L’ONG CARE propose aux travailleuses domestiques de suivre des formations élaborées en partenariat avec des centres académiques afin qu’elles prennent connaissance de leurs droits et de comment elles peuvent les défendre. Ces formations sont bien souvent la porte d’entrée vers les autres outils de lutte des travailleuses domestiques, qui ensuite peuvent se tourner vers un syndicat ou encore une coopérative.
Elles développent aussi des compétences professionnelles qui permettront de valoriser leurs métiers et salaires : services à la personne, administration, finance, marketing.
"J’étais devenue une esclave. Maintenant, je lutte pour faire respecter les droits de toutes les travailleuses domestiques."
« Je vivais chez mon employeur et je travaillais de sept heures du matin à dix ou onze heures du soir. Je n’avais pas de contrat, pas de sécurité sociale. Mon employeur a cessé de me rémunérer. J’étais devenue une esclave », témoigne Guadalupe, travailleuse domestique au Mexique.
Guadalupe a suivi des formations professionnelles proposées par CARE et a obtenu les certifications pour la prestation de nettoyage et de restauration à domicile. Et surtout, grâce à la connaissance de ses droits, elle a réussi à les faire respecter : elle reçoit un salaire équitable, des vacances et les jours de repos obligatoires. Autant de conditions de travail qui devraient être normales, mais qui ne l’étaient pas ! Pour que d’autres femmes puissent profiter des mêmes droits, Guadalupe est aussi devenue partenaire de la première coopérative qui œuvre pour les droits des travailleuses domestiques. Elle promeut les formations professionnalisantes auprès de ses collègues et les sensibilise pour que chacune sache que leurs droits ne sont pas négociables, mais bel et bien une obligation de leurs employeurs !
Outil de lutte n°2 : des syndicats pour les travailleuses domestiques
Le syndicat, c’est la force du collectif. Les femmes syndiquées défendent non seulement leurs droits mais également ceux des autres travailleuses domestiques. Et lorsqu’un syndicat est reconnu par le gouvernement, il peut peser dans les négociations nationales et internationales pour le respect du droit du travail.
La détermination de Lenny Quiroz, à l’origine du premier syndicat de travailleuses domestiques d’Equateur
Lenny Quiroz a commencé à travailler à l’âge de 17 ans, afin d’aider sa mère à subvenir aux besoins de ses 8 frères et sœurs. Après une dizaine d’années dans une situation de précarité, Lenny a pris connaissance de ses droits grâce à un atelier dédié de CARE. Elle ne s’est pas arrêtée là. Poussée par l’envie que plus aucune travailleuse domestique ne soit exploitée, elle a créé le premier syndicat des travailleuses domestiques d’Équateur : l’UNTHA.
« Le processus a été difficile. Le gouvernement ne voulait pas reconnaître le syndicat, arguant qu’il ne comptait pas suffisamment de membres, et que les maisons, nos lieux d’emploi, n’étaient pas des entreprises. Nous nous sommes battues pour obtenir la reconnaissance, non seulement des autorités, mais aussi de l’ensemble de la société », explique Lenny. Elle a réussi et est allée plus loin encore, en engageant le syndicat dans les négociations internationales. « Nous avons fait ratifier la Convention 189 de l’OIT, relative au droit au travail décent pour les travailleurs et travailleuses domestiques, par le gouvernement équatorien en 2010. Nous avons ensuite obtenu la ratification de la convention 190 contre la violence et le harcèlement au travail. Nous avons gagné ces batailles », raconte Lenny Quiroz, travailleuse domestique en Equateur.
Et maintenant ? Lenny Quiroz et son syndicat ont créé une table ronde pour défendre les droits des travailleuses domestiques, avec entre autres la participation du ministère du travail, d’autres syndicats, d’universités et de CARE. De la connaissance de ses propres droits, Lenny Quiroz lutte à présent pour des changements à une échelle nationale et même internationale !
Outil de lutte n°3 : créer ou rejoindre une entreprise sociale pour les travailleuses domestiques
Gérées par des travailleuses domestiques, les entreprises sociales sont soutenues financièrement par CARE et permettent aux travailleuses domestiques d’accéder à un emploi déclaré de façon pérenne et durable et de sortir de la précarité.
Maria Chaverra a désormais des conditions de travail dignes
« Les employeurs considèrent que parce que nous avons des origines modestes et que nous sommes des employées de maison, ils peuvent nous maltraiter. Ils ignorent le fait que nous sommes des êtres humains » , décrit Maria Chaverra, 48 ans, mère de 4 enfants
Maria Chaverra est employée dans l’entreprise sociale IMA Limpia. Il s’agit du premier emploi déclaré de sa vie professionnelle. Aujourd’hui, elle a un travail décent. Pour la première fois, elle a signé un contrat de travail écrit, bénéficie de toutes les prestations légales, reçoit une allocation et bien d’autres avantages. « Aujourd’hui, je suis heureuse et fière d’être travailleuse et partenaire de la première entreprise sociale dirigée par des travailleuses domestiques en Colombie », détaille Maria Chaverra, employée dans l’entreprise sociale IMA Limpia
Une fois sensibilisées sur leurs droits, les travailleuses domestiques peuvent s’émanciper des conditions indignes dans lesquelles leurs employeurs les enfermaient. Et en s’associant en syndicats ou en entreprises, elles démultiplient leur impact. C’est une véritable révolution qui s’opère en Amérique latine pour les employées de maison, qui luttent pour faire respecter leurs droits !
Source : (1) et (2) ONU Femmes, 2020
CARE soutient les travailleuses domestiques en Amérique latine :
- Nous proposons des formations sur les thématiques des droits humains, droit du travail et plaidoyer politique (grâce à la mise en place d’une école de plaidoyer régionale, touchant 16 pays d’Amérique latine) ainsi que des formations professionnelles en services à la personne, gestion administrative, finance et marketing.
- Nous soutenons les entreprises sociales ou toute autre alternative en encourageant le partage d’expériences entre les pays.
- Ce projet est soutenu financièrement par l’AFD (Agence Française de Développement).
Atelier en Equateur entre le syndicat de l’UNTHA et l'entreprise sociale ASOCLIM. ©CARE
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